Travailleur autonome ou employé?

En bref…

  • Y a-t-il une recette magique et uniforme pour déterminer le vrai statut d’un travailleur? Pas vraiment, mais il ne s’agit pas d’un choix…
  • L’importance donnée à chacun des critères de distinction par les autorités fiscales n’est pas nécessairement la même au fédéral et au provincial!
  • Il est rarement avantageux de forcer un travailleur à prétendre contre son gré qu’il est travailleur autonome… car une plainte formelle de l’employé finira bien par arriver!
  • Il n’y a pas seulement que les lois fiscales auxquelles il faut adapter la relation de travail…
  • Les dépenses déductibles aux fins fiscales ne sont pas les mêmes pour le travailleur selon son statut…
  • L’incorporation du travailleur ne règle pas tous les problèmes…

Comme on le sait, un travailleur peut être considéré comme un salarié (un employé) ou comme un travailleur autonome (une personne à son compte). Le « type de relation » qui prévaut entre le travailleur et la personne qui donne le travail est prépondérant pour déterminer le statut d’un travailleur. Évidemment, les conséquences fiscales (déductions fiscales admissibles, retenues à la source, etc.) et sociales (normes du travail, santé et sécurité du travail, assurance-emploi, etc.) ne seront définitivement pas les mêmes selon que le travailleur est un salarié ou un travailleur autonome. Cela est vrai tant pour le travailleur que pour la personne qui donne le travail à effectuer (le donneur d’ouvrage). En effet, les droits et obligations qui en découlent seront fort différents selon le statut. Chose certaine, rien ne vaut un statut clair et sans équivoque pour éviter la confusion, les malentendus et les vérifications fiscales onéreuses!

Une recette magique? Pas vraiment, mais…

Lorsqu’il s’agit de déterminer si un travailleur est un employé du payeur ou s’il est un travailleur autonome, les autorités fiscales fédérales et québécoises utilisent une liste de critères et de tests qui sont basés sur des décisions qui ont été rendues par les tribunaux (notamment la décision-maîtresse rendue par la Cour d’appel fédérale le 18 juin 1986 dans l’affaire Wiebe Door Services). Bien que nous les énumérerons un peu plus loin dans le présent texte, précisons immédiatement que les autorités fiscales ont rédigé dans certaines publications les fameux critères et tests qui aident à déterminer le statut d’un travailleur.

Ainsi, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a publié un guide détaillé (RC4110) intitulé « Employé ou travailleur indépendant? ». De son côté, Revenu Québec a publié un bulletin d’interprétation (RRQ. 1-1/R2) assez étoffé sur le sujet et intitulé « Statut d’un travailleur ». La lecture de ces deux documents peut définitivement aider à faire la distinction entre les deux statuts, et ce, grâce aux nombreuses interrogations qui y sont exprimées. Nous vous encourageons à le faire. Ces deux documents gouvernementaux ne répondront cependant pas à plusieurs questions relatives aux conséquences fiscales de l’un ou l’autre statut du travailleur, ce que le présent bulletin fiscal veut faire.

Bien que chaque situation soit un cas d’espèce, rappelons les principaux tests utilisés par les autorités fiscales pour faire la distinction :

  • La subordination effective du travail (« test de contrôle » sur le travailleur);
  • Le risque de profits et de pertes;
  • La propriété des « outils » de travail;
  • L’intégration du travailleur (a-t-il plusieurs clients, etc.);
  • L’attitude des parties quant à leurs relations.

Prenez note que le critère de la subordination effective du travail (« le test de contrôle » sur le travailleur) est assurément le plus important à rencontrer, notamment aux yeux des autorités fiscales québécoises. Difficile à croire, mais il arrive à l’occasion que les autorités fiscales québécoises n’arrivent pas à la même conclusion que les autorités fédérales sur le statut d’un même travailleur en utilisant pourtant des faits entièrement identiques! Nous ne pouvons que déplorer de telles situations (bien que plus rares) qui mènent au chaos tant pour le payeur que pour le travailleur face aux autorités fiscales.

Il n’existe pas de recette magique pour déterminer aisément si un travailleur est un employé d’un payeur ou s’il est un travailleur autonome. La ligne est parfois très mince. À titre d’exemple, dans le secteur financier, certains types de conseillers en placement à commission sont considérés comme des travailleurs autonomes tandis que d’autres types de conseillers en placement à commission sont considérés comme des employés. La différence est parfois très petite et peut découler des lois, règlements et organismes différents qui régissent la nature de leurs activités respectives de conseillers en placement ainsi que de la latitude quant à l’exercice de leurs tâches de travail.

Ces différences sont parfois aussi très minces pour certains travailleurs œuvrant dans l’industrie du transport et de la livraison (notamment le camionnage), de certains secteurs de la construction et de l’installation et évidemment dans le secteur de la consultation, des services et de la vente.

Une mise au point s’impose cependant. Contrairement à une certaine croyance populaire, le travailleur ne peut pas choisir son statut en optant à sa guise pour l’un ou pour l’autre. Ce sont les faits applicables à sa situation qui détermineront si le travailleur est autonome ou employé. On ne « choisit » pas son statut en cochant une case!

Cependant, le meilleur conseil que nous pouvons donner est de s’assurer que le statut du travailleur soit le plus clair et limpide possible. En effet, il n’est pas rare en pratique que les problèmes commencent suite à une insatisfaction d’un travailleur face à son statut.

Dépôt d’une plainte par le travailleur

Les expériences vécues démontrent clairement que les enquêtes menées par les autorités fiscales ou par d’autres organismes gouvernementaux débutent souvent suite au dépôt d’une plainte par un travailleur. Ainsi, à titre d’exemple, un travailleur dit « autonome » peut éventuellement souhaiter bénéficier de certains avantages sociaux (tels que l’assurance-emploi, des vacances payées ou encore des prestations pour un accident de travail) suite à un événement survenu ou à venir. Or, son statut de travailleur autonome ne lui permettant généralement pas de bénéficier de telles protections sociales, il pourrait être tenté de démontrer auprès de l’un ou l’autre des divers organismes gouvernementaux que son « réel » statut est celui d’employé et non pas de travailleur autonome. C’est alors que commencera une enquête par l’organisme gouvernemental visé par la plainte du travailleur. Il en découlera généralement des entrevues par des fonctionnaires auprès du travailleur, du payeur ainsi qu’auprès d’autres travailleurs qui sont dans la même situation. Un processus assez long et parfois pénible pour plusieurs des personnes visées. Il n’est pas rare que les faits concrets, tels que présentés par le travailleur, ne correspondent alors pas du tout à ceux présentés par le payeur (c’est‑à‑dire celui qui a payé la rémunération au travailleur). Sans compter que tout processus peut résulter en des avis de cotisation de plusieurs milliers, voire dizaines ou centaines de milliers de dollars pour les parties impliquées, que ce soit au titre des cotisations à l’assurance-emploi, au RRQ, au RQAP, au Fonds des services de santé ou à l’impôt sur le revenu. La rédaction, dès le début de l’embauche, d’une entente écrite (un contrat) entre les parties peut sûrement aider à mettre les choses au clair dès le début de la relation qui existera entre les parties. Mais encore faut-il que les faits réellement vécus par les parties par la suite reflètent ce qui est écrit dans l’entente écrite à défaut de quoi ladite entente écrite pourrait avoir peu de valeur face aux autorités gouvernementales. Finalement, un tel contrat écrit ne doit pas nécessairement être un document de plusieurs pages, notamment lorsqu’il s’agit d’une relation visant un travailleur autonome. En effet, plus l’entente écrite sera volumineuse et détaillée, plus elle comportera généralement des restrictions et limitations (bref, un contrôle!) par le payeur sur le travailleur. Or, essentiellement, un travailleur autonome est une personne qui bénéficie d’une certaine liberté d’action et qui est sujet à un minimum de contrôle du payeur. Une entente très volumineuse comportant plusieurs restrictions et limitations conduira souvent à la conclusion que le travailleur est plutôt un employé.

Notez qu’en cas de doute sur la relation qui existera entre un payeur et un travailleur, il est possible de demander une décision aux autorités gouvernementales tant fédérales que québécoises.

Attention à certaines autres lois

Le fait qu’un travailleur soit reconnu comme un travailleur autonome aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada, de la Loi sur les impôts du Québec, de l’assurance-emploi et du Régime de rentes du Québec ne garantit pas automatiquement qu’il en sera de même aux fins d’autres lois. Ainsi, à titre d’exemple, l’article 9 de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (L.A.T.M.P.) prévoit spécifiquement une exception à l’égard d’un travailleur autonome qui est une personne physique (c’est-à-dire non incorporé) et qui n’a pas de travailleur à son emploi. En effet, le payeur devra néanmoins supporter le coût des primes pour la santé et la sécurité au travail auprès de la CNESST pour un tel « travailleur autonome » dans la mesure (entre autres) où ledit travailleur exerce des activités similaires ou connexes à celui du payeur.

En effet, ledit travailleur autonome sera alors réputé être un employé aux fins de la CNESST. De telles situations ont été rencontrées notamment dans l’industrie du camionnage et de l’industrie forestière à l’égard de travailleurs autonomes non incorporés. Les mauvaises surprises (sous forme d’importants avis de cotisations par la CNESST) peuvent alors en résulter pour le payeur. Notez que la Loi sur l’équité salariale prévoit également une présomption analogue à celle mentionnée aux fins de la santé et sécurité au travail à l’égard de certains travailleurs autonomes. Bref, une entreprise doit donc vérifier l’ensemble des lois auxquelles elle peut être assujettie pour s’assurer qu’aucune cotisation ou prélèvement n’est payable.

Conséquences pour le payeur d’un changement du statut du travailleur

Il va de soi que les responsabilités fiscales et sociales du payeur sont beaucoup moins élevées (voire presque nulles) lorsqu’il retient les services d’un travailleur autonome plutôt que d’un employé. Ainsi, advenant que les autorités fiscales se proposent de modifier le statut d’un travailleur autonome en celui d’employé, le payeur (c’est-à-dire l’employeur) sera en conséquence assujetti à plusieurs lois fiscales et sociales pouvant résulter en des avis de cotisation substantiels. Pensons entre autres :

  • aux cotisations d’employeur et d’employé à l’assurance-emploi, au RQAP et au RRQ;
  • aux cotisations d’employeur au Fonds des services de santé (FSS), ainsi que pour la santé et la sécurité au travail et pour les normes du travail (CNESST);
  • aux dépenses de formation non effectuées (règle du 1% de la masse salariale);
  • aux congés et vacances prévus à la Loi sur les normes du travail ainsi qu’aux règles afférentes aux mises à pied;
  • aux règles régissant l’équité salariale;
  • aux règles régissant une convention collective;

Conséquences pour le travailleur d’un changement de son statut

Pour le travailleur, les déductions admissibles en vertu des lois fiscales ne sont pas les mêmes selon qu’il est un travailleur autonome ou un employé.

Le tableau suivant démontre quelques exemples seulement parmi la liste de dépenses qui ne sont admissibles que pour un travailleur autonome.

Tableau A Exemples de dépenses qui sont admissibles pour un travailleur autonome

L’incorporation du travailleur est-elle une solution?

Plusieurs contribuables ont peut-être déjà entendu dire qu’une des solutions simples au dilemme du statut d’un travailleur était de demander au travailleur de s’incorporer (c’est-à-dire se créer une société par actions) pour exercer ses fonctions afin de lui « garantir » un statut de travailleur autonome. Une grosse précision est nécessaire à cet égard! Bien que l’incorporation du travailleur puisse alors décharger le payeur de sa responsabilité fiscale face aux retenues à la source et cotisations d’employeur non effectuées, la société par actions du travailleur peut alors être considérée par le fisc comme une « entreprise de prestation de services personnels » si la réalité démontre que sans l’interposition d’une société par actions, le travailleur aurait alors été un employé du payeur. Lorsqu’une société est qualifiée « d’entreprise de prestation de services personnels » par le fisc, les taux d’imposition sont alors peu avantageux (44,7 % en 2018) par rapport à ceux d’une société par actions dite « active » (taux qui peut varier entre 14 % et 21,7 %). De plus, de nombreuses déductions fiscales ne seront pas autorisées pour ladite société par actions du travailleur. En bref, envisager l’incorporation du travailleur comme solution pour contrecarrer un statut d’employé n’apporte généralement de soulagements qu’à l’égard de la responsabilité fiscale du payeur face aux retenues à la source et contributions d’employeur non effectuées. Par contre, un « vrai » travailleur autonome peut effectivement envisager favorablement l’incorporation de son entreprise afin d’en tirer tous les avantages fiscaux applicables, dans la mesure où aucune loi ou réglementation ne lui interdit d’incorporer son entreprise.

 

 

Conclusion

La question de la détermination du statut d’un travailleur a toujours soulevé de nombreuses interrogations et incertitudes, et ce phénomène perdurera, car dans la vraie vie, plusieurs situations peuvent être difficiles à trancher de façon claire et sans équivoque. N’oubliez pas que chaque situation est un cas d’espèce qui doit être analysé à la lumière des faits qui lui sont propres. Mais, en mettant toutes les chances de son côté en rendant le statut du travailleur le plus limpide possible, toutes les parties impliquées évitent de se retrouver en situation de conflits entre eux et aussi en difficultés avec les autorités fiscales. Évitez donc, si possible, de vous retrouver en plein milieu d’une zone grise et tout le monde en sera plus heureux!

Avis

Ce résumé est conçu pour vous fournir une information de qualité sur plusieurs aspects rattachés au statut d’un travailleur. Cependant, il est impossible de couvrir toutes les situations envisageables. Il serait possible d’écrire un document encore bien plus volumineux sur ce bouillant sujet. En conséquence, n’hésitez pas à nous consulter. Il nous fera plaisir de vous aider face à votre propre situation.

Vos conseillers et collaborateurs,

CLOUTIER LONGTIN INC.

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La planification fiscale de fin d’année et on prépare l’année 2019 : des conseils qui valent de l’or!

En bref…

  • Les nouvelles règles de l’impôt sur le revenu fractionné modifieront
    les habitudes de rémunération des entrepreneurs dès 2018
  • L’importance de la rémunération de l’actionnaire dirigeant en 2018
  • Des taux « réels » d’imposition sournois : près de 60 mesures
    qui peuvent vous surprendre
  • Des crédits d’impôt québécois temporaires pour différents travaux effectués à une habitation en 2018
  • L’option de reporter la pension de la Sécurité de la vieillesse pour les personnes âgées entre 65 et 70 ans : un « must » dans certains cas
  • Sachez tirer le meilleur de vos pertes en capital de 2018
  • Transférer ses pertes en capital « latentes » à son conjoint : l’ARC confirme que c’est toujours possible
  • Le CELI : un potentiel immense à long terme et un plafond annuel haussé à 6 000 $ en 2019!
  • Le « bon vieux » REER : beaucoup de souplesse et des stratégies utiles
  • Un tableau comparatif CELI vs REER
  • Le fractionnement du revenu de pension : ça peut être très rentable, preuves à l’appui
  • Des stratégies de dons de titres boursiers vraiment peu coûteuses
  • Des intérêts non déductibles à un taux excédant 17 % : non merci!
  • Rendez vos intérêts déductibles grâce à différentes stratégies
  • Et bien d’autres conseils de fin d’année…

Bien que les gouvernements aient tenté au fil des années de restreindre sensiblement les méthodes visant à réduire le fardeau fiscal d’un contribuable, d’autres avenues se sont également ouvertes suite à de nouvelles mesures gouvernementales! Dans le présent bulletin, nous souhaitons vous faire réfléchir sur de nombreuses règles fiscales avantageuses ou encore sur certains pièges à éviter. Comme vous serez en mesure de le constater, de multiples stratégies peuvent être envisagées. Bien utilisées, elles peuvent valoir leur pesant d’or!

1.       Des restrictions visant le fractionnement du revenu en provenance d’une société privée forceront les entrepreneurs à revoir leur mode de rémunération dès 2018

Depuis le 1er janvier 2018, des nouvelles règles visant à restreindre le fractionnement du revenu, notamment celui en provenance d’une société privée, sont en vigueur. Ces nouvelles règles ont pour effet de forcer un bon nombre d’entrepreneurs à revoir leur rémunération et celle des membres de leur famille pour éviter l’application de celles-ci. Ces nouvelles règles ne visent généralement pas l’entrepreneur (actionnaire dirigeant impliqué dans les activités quotidiennes), mais pourraient viser les proches de ce dernier. Si un particulier est visé par ces règles, le revenu reçu sera imposé au taux d’imposition marginal maximum, ce qui peut être très pénalisant, à moins de tomber dans une des exclusions prévues à cet égard.

Règle générale, tout particulier qui est âgé de 18 ans ou plus à la fin de l’année, et qui réside au Canada à la fin de l’année, peut dorénavant être visé par ce qui est connu sous le nom de l’impôt sur le revenu fractionné (IRF). Les dividendes reçus d’une société privée sont notamment visés par ces règles, d’où leurs impacts sur la rémunération de 2018.

L’objectif du présent bulletin n’étant pas de revoir en détail toutes les notions techniques entourant ces règles, disons simplement qu’il existe certaines exclusions qui sont plutôt faciles à rencontrer pour éviter ces règles punitives, comme celle de l’implication dans l’entreprise (une moyenne de 20 heures par semaine) ou celle qui permet de faire du fractionnement de dividendes avec le conjoint lorsque l’entrepreneur a au moins 65 ans à un moment dans l’année. Un test de détention d’actions (au moins 10 % en valeur et en votes) pourrait aussi permettre d’éviter ces règles dans certains cas, notamment lorsque la société n’est pas une société de services ni une société professionnelle (comptables, avocats ou notaires, dentistes, médecin, vétérinaires ou chiropraticiens). Finalement, en cas de décès de l’entrepreneur, certaines exclusions peuvent être plus faciles à rencontrer.

Nous vous recommandons fortement de nous consulter d’ici la fin de l’année pour déterminer si ces règles s’appliquent ou non à vous en 2018. Même si la question de la rémunération ne devrait pas être un enjeu si complexe, ces nouvelles règles apportent leur lot de difficultés. Comme leurs conséquences peuvent être fort pénalisantes, mieux vaut savoir à quoi s’en tenir avant la fin de l’année et posez certains gestes au besoin, pendant qu’il est encore temps, pour en minimiser leur application.

2.       La rémunération de l’actionnaire dirigeant d’une PME et les nouveaux enjeux depuis 2017

La question de la rémunération de l’actionnaire dirigeant d’une PME (qui ne sera généralement pas visé par les règles expliquées à la section 1) revient systématiquement chaque année. Doit-on verser un salaire ou un dividende? Différents éléments sont à prendre en compte dans cette analyse, notamment les charges sociales rattachées au versement d’un salaire (comme celles au RRQ), la possibilité de cotiser à un REER ou la nécessité d’avoir un minimum de salaire pour déduire des frais de garde d’enfants (au fédéral seulement) ou des frais de déménagement.

Depuis 2017, d’autres facteurs sont également à prendre en ligne de compte. Dans certains cas, le versement d’un salaire à un actionnaire dirigeant pourrait permettre à une société des secteurs primaire et manufacturier (comme une entreprise agricole) de profiter d’un taux d’imposition aussi bas que 4 % au Québec. Par ailleurs, le versement d’un salaire aux actionnaires pourrait aussi permettre à une société, dans certains cas bien précis, de profiter d’un taux d’imposition de 7,24 % au Québec en 2018 (plutôt que de voir ses profits imposés à un taux de 11,7 % en 2018).

Par contre, nous vous rappelons que le paiement d’un dividende imposable à un actionnaire peut avoir un effet positif dans certaines circonstances. D’autres stratégies peuvent aussi être envisagées dans certaines situations, incluant le déclenchement volontaire de gains en capital dans la société.

Bref, il existe une multitude de règles fiscales sur lesquelles un salaire ou un dividende peut avoir un impact. Nous saurons vous diriger afin de prendre la meilleure décision applicable à votre situation en ce qui concerne votre rémunération pour l’année 2018 et les années subséquentes. La section 16 du présent bulletin vous donnera plus de détails sur les différents types de dividendes qui peuvent être versés à un actionnaire.

3.       Des nouvelles règles entourant les revenus de placements des sociétés pourraient s’avérer très coûteuses pour certains propriétaires de PME

Lors du budget fédéral de mars 2018, le gouvernement a annoncé de nouvelles règles entourant les revenus de placements. En effet, pour les années d’imposition qui commenceront après le 31 décembre 2018, une société pourrait perdre le droit au taux réduit sur les premiers 500 000 $ de revenu actif d’entreprise si elle (et les sociétés qui lui sont associées) gagne trop de revenus de placements. Une telle perte peut entraîner, pour 2019, des impôts supplémentaires pouvant atteindre 58 000 $ pour une société.

Pourquoi vous parlez de ces règles en 2018 alors qu’elles ne s’appliqueront qu’à compter de 2019? Simplement parce que les conséquences « négatives » de 2019 seront généralement calculées en tenant compte des revenus de placements gagnés en 2018. Comme l’année 2018 n’est pas encore terminée, il est encore possible mettre en place certaines stratégies, au besoin, pour réduire les mauvaises surprises en 2019. Dans certains cas, le déclenchement de pertes en capital pourrait s’avérer très payant.

Si vous gagnez des revenus de placements dans une société, ou si vous en avez déjà gagné dans le passé, n’hésitez pas à nous consulter pour déterminer si des gestes doivent être posés d’ici la fin de l’année 2018 pour minimiser les conséquences rattachées à ces changements à venir en 2019.

4.       Des taux « réels » d’imposition sournois : près de 60 mesures qui peuvent vous surprendre

Vous devez toujours garder en mémoire qu’il ne faut pas seulement s’attarder aux taux d’imposition « affichés » dans les tables d’impôt en matière de planification fiscale. En effet, lorsque le revenu d’un contribuable augmente, non seulement les taux d’imposition augmentent, mais de plus, le contribuable peut aussi perdre le droit à de nombreux crédits d’impôt et à plusieurs versements gouvernementaux (crédit de TPS, Allocation canadienne pour enfants, pension de vieillesse, Supplément de revenu garanti, crédit d’impôt pour solidarité, Soutien aux enfants, etc.). En fait, près de 60 mesures sociofiscales et/ou crédits d’impôt peuvent diminuer (ou des cotisations sociales peuvent être plus élevées) lorsque votre revenu individuel ou celui de votre conjoint augmente.

La planification fiscale, c’est donc sérieux et ça peut être très rentable, non seulement pour les contribuables à revenus élevés, mais aussi pour les contribuables de la classe moyenne et même pour ceux à revenus modestes. Vous seriez surpris de constater qu’un revenu additionnel peut en réalité supporter un taux « réel » d’imposition beaucoup plus élevé que ce que les tables d’imposition démontrent, et ce, pour les motifs susmentionnés. À titre d’exemple seulement, imaginons la situation suivante. Monsieur Labonté gagne un revenu de 95 000 $ par année alors que sa conjointe gagne 45 000 $. Ils ont deux jeunes enfants en garderie privée pour lesquels ils paient 9 000 $ de frais de garde par année par enfant, car ils n’ont pas accès aux garderies subventionnées. Par contre, de tels frais de garde donnent droit au généreux crédit pour frais de garde au Québec pour lequel le taux du crédit varie de 26 % à 75 % selon le niveau de revenu des conjoints fiscaux. En récompense pour ses beaux efforts à son travail, M. Labonté reçoit un boni de 15 000 $ en 2018. Incroyable mais vrai, dans cet exemple précis, environ 80 % du boni de M. Labonté aboutira dans les poches du fisc. En effet, non seulement les tables d’imposition feront leur « travail » usuel, mais en plus, dans leur cas précis, le taux du crédit québécois pour frais de garde d’enfants baissera de 23 % sur les frais admissibles (sans tenir compte des impacts favorables pouvant découler du bouclier fiscal dans certaines situations). Surpris, n’est-ce pas?

N’oubliez pas que dans le cas où l’enfant fréquente une garderie subventionnée (CPE ou garderie en milieu familial), une contribution additionnelle calculée en fonction du revenu familial net (aux fins fiscales) est désormais applicable depuis 2015. Une augmentation du revenu peut donc aussi avoir pour effet, dans certains cas, d’augmenter cette contribution additionnelle payable pour un particulier.

5.       Divers crédits d’impôt remboursables temporaires sont disponibles au Québec à l’égard de certains travaux effectués en 2018 sur une habitation admissible

Différents crédits d’impôt, mis en place de façon temporaire au cours des dernières années, sont toujours en vigueur en 2018 pour les particuliers. Voici un résumé de deux de ces mesures fiscales.

Plusieurs particularités existent à l’égard de ces crédits. N’hésitez pas à nous questionner sur ceux‑ci; nous saurons vous guider vers les bonnes informations à l’égard de leur réclamation dans votre déclaration fiscale québécoise.

Crédit d’impôt RénoVert

Ce crédit vise la réalisation de travaux de rénovation résidentielle écoresponsable (comme le changement de portes et fenêtres). Ce crédit d’impôt remboursable est destiné aux particuliers qui font exécuter par un entrepreneur qualifié des travaux de rénovation écoresponsable à l’égard de leur lieu principal de résidence ou de leur chalet (habitable à l’année et normalement occupé par le particulier) en vertu d’une entente conclue après le 17 mars 2016 et avant le 1er avril 2019.

L’aide fiscale accordée par ce crédit d’impôt, d’un montant maximal de 10 000 $ par habitation admissible, correspond à 20 % de la partie des dépenses admissibles d’un particulier qui excédera 2 500 $, et ce, à l’égard d’une habitation admissible dont il est propriétaire ou copropriétaire. La valeur maximale du crédit d’impôt pour une habitation admissible sera donc atteinte avec un montant de dépenses admissibles de 52 500 $.
Le maximum d’aide accordée de 10 000 $ par habitation admissible est cumulatif pour les années 2016 à 2019. Pour 2018, le crédit maximum disponible est donc de 10 000 $, moins le crédit obtenu en 2016 et 2017. Afin de bénéficier de ce crédit pour 2018, les travaux doivent avoir été payés au cours de l’année 2018.

Crédit d’impôt pour la mise aux normes des installations d’assainissement des eaux usées résidentielles

Ce crédit vise la réalisation de travaux reconnus de mise aux normes des installations d’assainissement des eaux usées (comme l’installation d’une fosse septique). Ce crédit d’impôt remboursable est destiné aux particuliers qui font exécuter par un entrepreneur qualifié des travaux reconnus de mise aux normes des installations d’assainissement des eaux usées à l’égard de leur lieu principal de résidence ou de leur chalet (habitable à l’année et normalement occupé par le particulier) en vertu d’une entente conclue après le 31 mars 2017 et avant le 1er avril 2022.

L’aide fiscale accordée par ce crédit d’impôt, d’un montant maximal de 5 500 $ par habitation admissible, correspond à 20 % de la partie des dépenses admissibles d’un particulier qui excédera 2 500 $, et ce, à l’égard d’une habitation admissible dont il est propriétaire ou copropriétaire. La valeur maximale du crédit d’impôt pour une habitation admissible sera donc atteinte avec un montant de dépenses admissibles de 30 000 $. Le maximum d’aide accordée de 5 500 $ par habitation admissible est cumulatif pour les années 2017 à 2022. Afin de bénéficier de ce crédit pour 2018, les travaux doivent avoir été payés au cours de l’année 2018.

6.       Report de la réception de la pension de la Sécurité de la vieillesse entre 65 ans et 70 ans : une stratégie qu’il faut désormais intégrer en planification fiscale et financière dans certains cas, tout comme le report de la pension du RRQ

Le budget fédéral de 2012 a annoncé une mesure qui permet aux particuliers de commencer plus tard à recevoir leur pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV), et ce faisant, de recevoir une pension plus élevée, ajustée sur une base actuarielle. Dans certains cas précis, il s’agira d’une planification très rentable et vous devez connaître à fond les avantages rattachés à cette nouvelle option afin de pouvoir identifier si vous y trouverez un intérêt certain.

Depuis le 1er juillet 2013, le gouvernement fédéral permet le report volontaire de la PSV durant une période maximale de 5 ans, soit entre 65 et 70 ans seulement. Ainsi, vous pourrez donc continuer à travailler plus longtemps et reporter la réception de votre PSV après l’âge de 65 ans (au lieu d’avoir à la rembourser dans certains cas) et recevoir, plus tard, une PSV majorée de 0,6 % par mois de report (7,2 % par année).

Il existe certaines situations où vous devrez exercer ce choix sans vous poser de questions. C’est notamment le cas si vous avez un revenu très élevé entre 65 et 70 ans et que vous devrez de toute façon rembourser votre PSV. Cela peut aussi être le cas si vous savez que vous réaliserez un gain en capital important (par exemple, lors de la vente de votre entreprise ou d’un triplex) entre 65 et 70 ans et que vous perdrez alors votre PSV en raison d’un revenu fiscal trop élevé.

Bref, de nombreuses situations peuvent vous permettre de sauver votre PSV (et en prime, de profiter d’une majoration lors de sa réception à l’avenir). Pour toutes les règles fiscales sur cette option, ainsi que pour diverses stratégies applicables à celle-ci, nous vous invitons à consulter le lien Web suivant : www.cqff.com/liens/psv.pdf

Encore une fois, nous saurons vous aider à déterminer si cette stratégie s’avère intéressante pour vous. Mais ne tardez pas avant de nous consulter, car certains gestes pourraient être irréversibles. Finalement, retarder la demande de prestations du Régime de rentes du Québec (RRQ) peut aussi s’avérer être une excellente stratégie dans certaines situations, pour s’assurer de ne pas « survivre » à ses épargnes et de profiter d’une rente bonifiée.

7.       Le déclenchement de pertes en capital pour annuler l’effet des gains en capital dans le cas des particuliers

Évidemment, dans le cas des particuliers, c’est le temps d’ici la fin de l’année de planifier la vente de certains placements boursiers afin de déclencher des pertes en capital, soit pour annuler ou réduire les impôts potentiels sur des gains en capital réalisés en 2018 ou pour les reporter aux années précédentes. Avec l’importante fluctuation du taux de change entre le dollar canadien et le dollar américain depuis quelques années, vérifiez notamment si vous n’avez pas réalisé d’importants gains de change en 2018, notamment suite à la vente de titres boursiers.

Comme les pertes en capital réalisées en 2018 (en excédent des gains en capital réalisés en 2018) sont reportables aux trois années précédentes (et indéfiniment dans le futur) à l’encontre de gains en capital seulement (sauf en cas de décès où des règles particulières s’appliquent), le report de telles pertes en capital peut s’effectuer jusqu’en 2015 pour les pertes en capital déclenchées en 2018.

Nous vous rappelons qu’une perte en capital réalisée en 2018 doit, avant tout, réduire les gains en capital réalisés en 2018. Ainsi, si vous songez à créer une perte en capital en 2018 pour la reporter en 2015, 2016 ou 2017, il faut éviter de déclencher ou de réaliser trop de gains en capital en 2018. Si vous songez à vendre un immeuble à revenus ou un chalet sur lequel vous réaliserez un gain en capital alors que vous établissez une stratégie pour réaliser des pertes à la bourse en vue d’effacer des gains en capital réalisés dans les années antérieures, cela vous causera définitivement un problème. Il est peut-être alors préférable de vendre votre immeuble en 2019 seulement, si cela est possible et souhaitable.

N’oubliez pas que le report d’une perte en capital à une autre année d’imposition est pris en compte dans
le calcul du revenu imposable dans l’année d’imposition où la perte est reportée et non pas dans le calcul du revenu net. Ainsi, si l’inclusion d’un gain en capital au cours d’une année précédente a entraîné le remboursement de la pension de vieillesse au fédéral (PSV) à cause d’un revenu net trop élevé, le report
de la perte en capital à cette année d’imposition ne fera que réduire la charge d’impôt et n’aura aucun effet sur la PSV remboursée. Si vous vous retrouvez en situation probable de remboursement de la PSV suite à la réalisation d’un gain en capital en 2018, il peut être préférable de réaliser une perte en capital dès
cette année (afin d’éviter notamment le remboursement de la PSV) plutôt que d’attendre à une année subséquente pour réaliser la perte en capital et ensuite faire un report. La logique pourrait être la
même pour plusieurs autres situations qui entraîneraient la perte (ou la diminution) d’un avantage fiscal important (comme le crédit d’impôt pour frais de garde d’enfants au Québec ou l’Allocation canadienne pour enfants au fédéral) ou un paiement plus important de la contribution additionnelle pour frais de garde d’enfants au Québec.

En vue de réaliser une stratégie visant à déclencher des pertes en capital sur vos titres boursiers détenus hors REER, hors FERR ou hors CELI, plusieurs méthodes peuvent être envisagées. Certaines techniques sont fort simples tandis que d’autres sont plus complexes. Certaines techniques fonctionnent très bien (comme la vente pure et simple des titres) tandis que d’autres ne fonctionnent pas du tout en raison des règles sur les pertes apparentes qui peuvent vous forcer à attendre un délai de 30 jours avant de réacquérir le même titre. N’hésitez pas à nous consulter à cet égard en raison des restrictions appelées « pertes apparentes ». Vous devez laisser un délai de 2 jours ouvrables avant la fin de l’année civile pour réaliser une perte sur une action cotée à une bourse qui sera fiscalement reconnue en 2018. La date limite est le 27 décembre 2018 pour un titre coté à la bourse de Toronto ou à la bourse de New York. Sinon, la perte ne sera reconnue que l’année suivante.

8.       Transférer des pertes en capital « latentes » à son conjoint : l’ARC confirme que c’est toujours possible

Oui, il est possible de transférer des pertes en capital latentes (c’est-à-dire non encore réalisées) en faveur de son conjoint fiscal. Cela peut être fort utile si le particulier n’a pas réalisé de gains en capital dans l’année ou dans les trois années précédentes, mais que son « conjoint fiscal » est dans une telle situation. Cela peut être aussi utile pour bénéficier d’une différence de taux marginaux entre les deux conjoints dans le cas où les deux pourraient avoir besoin de pertes en capital. Finalement, cette stratégie peut permettre d’accélérer la déduction des pertes en capital lorsque le particulier a un conjoint dont l’expectative de survie est limitée. En effet, les pertes en capital au décès sont sujettes à des conditions de déductibilité sensiblement plus souples, sous réserve de certaines restrictions.

La stratégie

En fait, la stratégie est relativement simple. Il s’agit d’utiliser à votre faveur la règle sur les « pertes apparentes » qu’utilisent normalement les autorités fiscales. Tel que susmentionné, si vous voulez réaliser une perte en capital admissible aux fins fiscales, ni vous ni votre conjoint ne devez avoir acquis le même bien ou un bien identique dans un délai de 30 jours avant le jour de la vente ou un délai de 30 jours après le jour de la vente. De plus, ni vous ni votre conjoint ne devez être propriétaires du bien à la fin de la période de 30 jours suivant la vente. Or, la clé, c’est de faire en sorte que la perte vous soit refusée (en faisant acheter les actions par votre conjoint sur les marchés financiers à l’intérieur de ce délai). Si votre conjoint conserve les titres boursiers jusqu’à la fin du délai minimum de 30 jours suivant le jour où vous les avez vendus, les règles sur les pertes apparentes s’appliqueront.

Ainsi, la perte en capital vous sera refusée, mais elle s’ajoutera au coût fiscal des titres boursiers acquis par votre conjoint. Le coût fiscal pour votre conjoint sera donc la juste valeur marchande des titres boursiers lorsqu’il les a acquis plus la perte en capital qui vous a été refusée. Si votre conjoint attend le délai minimum de 30 jours avant de vendre les titres boursiers, c’est donc votre conjoint qui bénéficiera de la perte en capital. Assurez-vous que votre conjoint a utilisé ses propres moyens (et non pas votre argent) pour acquérir les titres à moins que vous utilisiez un prêt à votre conjoint au taux d’intérêt prescrit du gouvernement.

Notez que l’ARC a de nouveau confirmé à l’automne 2009 la validité de cette stratégie.

9.       Le CELI : un potentiel immense à long terme et un plafond annuel haussé à 6 000 $ en 2019!

De loin la mesure la plus spectaculaire (dans un contexte à long terme) du budget fédéral de 2008, le CELI constitue sans aucun doute le plus important mécanisme d’épargne personnelle mis en place depuis la création des REER en 1957. Rappelons que le CELI a pris effet aux fins fiscales depuis le 1er janvier 2009.

Sa très grande souplesse (à court, moyen et long terme) lui mérite sans aucun doute le titre de véritable « couteau suisse » de l’épargne personnelle. Bien que les économies fiscales paraissent modestes à très court terme, laissez le temps faire son œuvre. Les résultats pourraient être très spectaculaires à plus long terme, surtout si les rendements obtenus à l’intérieur du CELI sont importants.

Ainsi, que ce soit pour des jeunes qui veulent épargner pour acquérir une première voiture ou une première maison ou encore pour des gens d’âge moyen qui veulent s’accorder un coussin financier en vue d’un projet particulier (une année sabbatique, un agrandissement de la maison ou une absence prolongée du travail pour un des conjoints suite à la naissance d’un enfant), le CELI pourrait s’avérer au fil des années (et de l’augmentation des plafonds de cotisation) un puissant outil d’épargne et de planification fiscale.

Il en sera de même pour les gens de tout âge qui viennent d’hériter d’un parent ou encore pour les personnes âgées qui veulent faire fructifier de l’épargne sans mettre en danger leurs prestations du Supplément de revenu garanti (SRG) pour les retraités à revenus modestes ou encore leurs prestations de la Sécurité de la vieillesse (PSV) pour les retraités à revenus plus élevés.

Le CELI en bref

Voici les principales modalités du compte d’épargne libre d’impôt :

  • De 2009 à 2012, les particuliers qui étaient alors des résidents canadiens âgés de 18 ans et plus pouvaient verser des cotisations annuelles de 5 000 $ à un CELI; en 2013 et 2014, ce montant annuel était de 5 500 $, alors qu’il était de 10 000 $ en 2015. De 2016 à 2018, ce montant était de 5 500 $, alors qu’il sera de 6 000 $ en 2019. De plus, les droits de cotisation inutilisés d’une année sont reportés indéfiniment aux années suivantes. Les sommes pouvant être déposées dans un CELI sont donc substantielles pour les personnes ayant peu cotisé depuis 2009!
  • Les retraits effectués du CELI au cours d’une année engendrent dès l’année suivante de nouveaux droits de cotisation du même montant (ce qui peut donc inclure les rendements obtenus) et ils peuvent éventuellement être retournés dans le CELI (puisqu’ils constitueront alors des droits de cotisation inutilisés qui sont reportables indéfiniment). Il est donc préférable d’effectuer des retraits à la fin d’une année civile plutôt qu’au début de l’année suivante, pour « recréer » plus rapidement de nouveaux droits de cotisation.
  • Les cotisations ne sont pas déductibles du revenu.
  • Les gains en capital et les autres revenus de placement gagnés dans un CELI sont libres d’impôt, mais les pertes ne sont pas déductibles. Les revenus d’entreprise provenant d’activités de « day‑trading » ou de spéculation boursière sont cependant imposables.
  • Les retraits ne sont pas imposables et peuvent être effectués à n’importe quelles fins.
  • Ni les revenus de placement gagnés dans un CELI, ni les retraits d’un tel compte ne modifient les droits aux prestations sociofiscales fédérales ou québécoises et aux crédits d’impôt fédéraux et québécois fondés sur le revenu.
  • Un contribuable peut aider son époux ou conjoint de fait à cotiser à un CELI sans déclencher de règles d’attribution en lui donnant de l’argent ou en lui prêtant des sommes sans intérêt. Il en est de même avec les enfants majeurs du contribuable.
  • Au décès, l’actif déjà détenu dans un CELI peut être transféré au CELI de l’époux ou du conjoint de fait sans affecter les droits de cotisation de ce dernier.
  • Les placements admissibles dans les CELI comprennent essentiellement les mêmes placements que ceux admissibles aux régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER).
  • Plusieurs stratégies intéressantes peuvent aussi être envisagées avec le CELI qui est déjà un outil de placement très populaire.
N.B. :   À la section 11, vous retrouverez un tableau comparatif entre le CELI et le REER.

10.    Le « bon vieux » REER : beaucoup de souplesse et des stratégies fiscales utiles

Non seulement les contributions à un REER permettent des économies d’impôt substantielles en diminuant le revenu du particulier, mais elles permettent également d’accroître l’accès à plusieurs crédits d’impôt et versements gouvernementaux qui, autrement, diminuent progressivement lorsque le revenu du contribuable augmente. Cela a donc pour effet de diminuer de beaucoup le coût réel des contributions à un REER en termes de déboursés nets. Il n’est pas rare que des déductions REER puissent procurer des économies fiscales et sociales excédant 60 %, et ce, sans même utiliser les fonds de travailleurs (Fonds de solidarité FTQ et Fondaction de la CSN). Relisez notre exemple à la section 4 pour une preuve éloquente.

D’autre part, la souplesse accrue des REER procure des avantages fiscaux supplémentaires. Ainsi, tout en portant attention dans certains cas aux effets de la perte de rendement, il ne faut pas oublier que le REER peut aussi être utile dans de nombreuses circonstances, notamment les suivantes :

  1. Lors d’un retour aux études à temps plein du particulier ou de son conjoint, des retraits non imposables pouvant atteindre un maximum de 10 000 $ par année par le particulier (jusqu’à un maximum cumulatif de 20 000 $) sont permis dans le cadre du Régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP); étant donné que les fonds retirés du REER dans un tel cas peuvent être utilisés à n’importe quelles fins, cela ouvre la porte toute grande à de multiples stratégies fiscales et financières. De plus, le conjoint de l’étudiant pouvant effectuer la même stratégie, les montants susmentionnés peuvent être doublés même s’il n’y a qu’un des deux conjoints aux études.
  2. Lors de l’achat d’une résidence, un « premier acheteur » admissible peut effectuer des retraits non imposables pouvant atteindre 25 000 $ dans le cadre du Régime d’accession à la propriété (RAP); de multiples stratégies fort payantes peuvent alors être envisagées, notamment pour les contribuables ayant accumulé des droits inutilisés de cotisations à un REER ou encore, en combinant certaines stratégies avec le CELI. De plus, l’achat d’une résidence par un « premier acheteur » permet de mettre la main, depuis 2009, sur le crédit d’impôt fédéral calculé sur un montant de 5 000 $ (ayant une valeur nette de 626 $ pour un résident du Québec) pour l’achat d’une première habitation. Depuis 2018, un crédit d’impôt similaire existe au Québec et peut permettre à un particulier de mettre la main sur une somme supplémentaire de 750 $ (5 000 $ x 15 %).
  3. Lors d’une perte d’emploi, le REER peut, dans certains cas, permettre de reporter les impacts rattachés à l’imposition immédiate d’une indemnité de départ par un transfert de celle-ci à son REER (certaines limites assez restrictives peuvent cependant s’appliquer), quitte à effectuer des retraits progressifs dans une autre année civile si des besoins financiers plus urgents nécessitent de tels retraits imposables.
  4. Les contributions annuelles au REER du conjoint permettent aisément de mettre en place une réelle stratégie de fractionnement de revenus avec son conjoint, tant avant la retraite qu’à la retraite (même en tenant compte de la possibilité de fractionnement expliquée à la section 12 du présent bulletin), tout en évitant l’application des règles de l’impôt sur le revenu fractionné (IRF) expliquées
    à la section 1 pour les entrepreneurs. Une telle stratégie permettra non seulement des économies substantielles d’impôt, mais également de conserver le plus possible le droit de recevoir la pension
    de la Sécurité de la vieillesse (PSV) du gouvernement fédéral. La PSV atteint un peu plus de 7 000 $ par année et peut être perdue progressivement si le revenu individuel du contribuable excède, en 2018, 75 910 $.

Date limite des contributions

Si vous souhaitez effectuer une contribution à votre REER et la déduire dans vos déclarations fiscales de 2018, la date limite est le 1er mars 2019.

Si vous avez eu 71 ans en 2018 et que vous désirez effectuer une dernière contribution à votre REER, vous avez jusqu’au 31 décembre 2018 (et non pas jusqu’au 1er mars 2019) pour poser ce geste. Soit dit en passant, moyennant une pénalité de 1 % par mois pour contributions excédentaires, il est également possible d’effectuer « à l’avance », en décembre 2018, ce qui aurait été votre contribution déductible pour l’année 2019 (si vous avez généré en 2018 du revenu « gagné » aux fins du REER) si ce n’était du fait que vous avez atteint 71 ans en 2018. Cette stratégie intéressante n’est évidemment pas nécessaire si vous avez un conjoint plus jeune étant donné que vous pouvez toujours effectuer votre contribution annuelle déductible au REER de votre conjoint jusqu’à l’année civile où votre conjoint atteindra 71 ans.

Finalement, il est important de rappeler à quel point une stratégie de placement à long terme pour les fonds accumulés dans un REER est primordiale. Le fait que les rendements s’accumulent à l’abri du fisc tant que les fonds demeurent à l’intérieur du REER est un avantage très important et une différence de rendement à long terme de 2 % ou 3 % peut avoir des conséquences majeures après plusieurs années. N’oubliez pas que la durée de la retraite a presque triplé au cours des 30 dernières années et cela nécessite donc une accumulation de richesse beaucoup plus importante.

Le « facteur temps » et le rendement obtenu sont donc des éléments « clés » de votre planification. N’hésitez pas à encourager vos enfants et vos petits-enfants à cotiser le plus tôt possible à leur REER afin de tirer avantage des effets « boule‑de‑neige » d’un REER.

11.    Résumé des principales différences entre le CELI et le REER pour 2018

Bien que le REER et le CELI aient des objectifs fondamentaux très différents, les deux constituent néanmoins un véhicule d’épargne supplémentaire. Certaines personnes auront la capacité d’épargne suffisante pour utiliser pleinement les deux véhicules chaque année. D’autres devront choisir entre l’un ou l’autre (ou partiellement dans l’un et dans l’autre) alors que certains contribuables n’auront le choix que d’un seul (par exemple, en raison de leur âge).

 

CELI

REER

Âge minimum pour y cotiser et pour accumuler
des droits de cotisation

18 ans

AUCUN

Âge maximum pour cotiser à son régime

AUCUN

Le 31 décembre de l’année civile où le particulier
atteint 71 ans
Âge maximum pour cotiser au régime de son conjoint Impossible de cotiser au CELI d’un conjoint

(voir la Note 1)

Le 31 décembre de l’année civile où son conjoint
atteint 71 ans
Montants maximums que l’on peut cotiser annuellement

Pour 2018, 5 500 $

plus les droits de cotisation inutilisés à la fin de l’année civile précédente et les retraits du CELI effectués l’année civile précédente (voir la Note 2 pour plus de détails)

18 % du « revenu gagné » de l’année précédente
(max : 26 230 $ pour 2018, 26 500 $ pour 2019)-       le facteur d’équivalence (FE) de l’année précédente+   le facteur d’équivalence rectifié (FER)-       le facteur d’équivalence pour services passés (FESP)

+   les droits inutilisés de cotisation à un REER des années antérieures

(attention aux cotisations à un RVER qui peuvent
avoir un impact sur le montant qui peut être cotisé
à un REER)

Déduction de la cotisation

NON

OUI

Possibilité d’être en situation de cotisations excédentaires (non déductibles) sans pénalité

NON

Jusqu’à 2 000 $ cumulatifs

Pénalité pour une cotisation excédentaire • 1 % par mois de l’excédent le plus élevé du mois

• 100 % du revenu sur les cotisations excédentaires
si elles sont faites de façon délibérée
(depuis le 17 octobre 2009)

1 % par mois de l’excédent s’il y a un excédent à la fin d’un mois
Imposition des revenus générés tant qu’ils demeurent à l’intérieur du régime AUCUNE (sauf s’il s’agit d’un revenu d’entreprise comme le « day-trading » (y compris sur des placements admissibles) ou encore sur des revenus provenant de placements non admissibles ou interdits) AUCUNE (sauf s’il s’agit d’un revenu d’entreprise comme le « day-trading » provenant de placements non admissibles ou encore s’il s’agit de revenus provenant de placements non admissibles ou interdits)
Imposition des revenus générés à l’intérieur du régime lorsqu’ils sont retirés de celui-ci

NON

OUI

(sauf si les sommes sont retirées dans le cadre du RAP ou du REEP)

Imposition des cotisations au régime lorsqu’elles sont éventuellement retirées

NON

OUI

(sauf si les sommes sont retirées dans le cadre du RAP ou du REEP)

Impacts des retraits sur les programmes sociofiscaux (TPS, SRG, PSV, etc.)

AUCUN

MULTIPLES

(sauf dans le cas d’un retrait RAP ou REEP)

Est-ce que les retraits du régime permettent de régénérer les droits d’y cotiser à nouveau?

OUI

(mais seulement à compter de l’année suivante;
un particulier peut cependant remettre de l’argent dans le CELI dans l’année du retrait s’il a d’autres droits inutilisés de cotisation)

NON

(sauf pour « rembourser » un solde RAP ou un solde « REEP », mais cela ne régénère pas de nouveaux droits de cotisation déductibles)

Est-ce que cela nécessite d’avoir généré un revenu particulier pour créer de nouveaux droits de cotisation?

NON

OUI

(du « revenu gagné »)

Placements admissibles (cela varie
selon le type de REER ou de CELI)
Encaisse, obligations, Bons du Trésor, CPG, dépôts à terme, actions cotées en bourse, billets liés à un indice, fonds communs, fonds distincts, fonds indiciels négociables en bourse, etc. Essentiellement les mêmes que pour le CELI
Possibilité de donner le régime en garantie d’un emprunt

OUI

NON

Possibilité de transfert sans incidence fiscale à
un conjoint (légalement marié ou de fait) lors d’un décès

OUI

OUI

Possibilité de partage des sommes avec un conjoint ou ex-conjoint dans le cadre d’une séparation, d’un divorce ou de la fin d’une union de fait, et ce, sans incidence fiscale immédiate

OUI

(sous réserve de certaines règles à suivre et il existe deux méthodes très distinctes d’y arriver)

OUI

(sous réserve de certaines conditions précises à rencontrer)

Assujettissement aux règles du patrimoine familial si les conjoints sont légalement mariés

NON

(attention cependant pour ceux qui sont mariés sous le régime de la société d’acquêts)

OUI

Note 1 :      Bien qu’il soit impossible de cotiser directement au CELI de son conjoint, rien n’empêche de donner de l’argent ou de prêter de l’argent (y compris sans intérêt) à votre conjoint pour lui permettre d’y cotiser, et ce, sans déclencher certaines règles d’attribution défavorables. Le même principe peut s’appliquer à un enfant majeur.

Note 2 :      En 2018, il est possible de cotiser au CELI les montants suivants :

  • 5 500 $
    + les droits inutilisés de cotisation de l’année 2017 (qui sont cumulatifs depuis 2009 et qui incluent donc tous les retraits effectués avant 2017)
    + les retraits effectués du CELI en 2017

En 2019, il sera possible de cotiser au CELI les montants suivants :

  • 6 000 $
    + les droits inutilisés de cotisation de l’année 2018 (qui sont cumulatifs depuis 2009 et qui incluent donc tous les retraits effectués avant 2018)
    + les retraits effectués du CELI en 2018

12.    Le fractionnement du revenu de pension : ça peut être très payant, malgré un changement important survenu en 2014

Depuis l’année 2007, le fisc fédéral et le fisc québécois offrent une mesure assez spectaculaire permettant de fractionner le revenu de pension (mais pas n’importe lequel) avec son conjoint fiscal. Évidemment, l’impact de cette mesure est beaucoup plus important pour les couples où un seul des deux conjoints a un revenu de retraite important et que l’autre conjoint a des revenus fiscaux modestes. L’économie fiscale peut représenter des sommes variant de quelques dollars à plusieurs milliers de dollars chaque année selon la situation propre à chaque couple. Lors de la période de préparation des déclarations fiscales de 2016 au printemps de 2017, nous avons pu constater des économies fiscales non négligeables découlant de ce fractionnement des revenus de pension entre conjoints fiscaux. Nous avons même constaté au cours des dernières années des situations où les économies fiscales pour le couple ont atteint un sommet de 19 850 $, une telle économie pouvant être obtenue année après année. Selon un « sondage maison » non scientifique réalisé au cours des dernières années et portant sur 300 cas différents, les économies fiscales moyennes se sont situées aux environs de 1 000 $. Cependant, près de 40 % des couples ont réalisé des économies se situant entre 1 000 $ et 2 000 $ tandis que près de 25 % des couples ont réalisé des économies se situant entre 2 000 $ et 3 000 $. C’est donc du sérieux.

Selon les règles en vigueur, cette mesure permet aux résidents canadiens qui touchent un revenu admissible à l’actuel crédit d’impôt pour revenu de pension (calculé sur un montant de 2 000 $ au fédéral) d’allouer à leur époux ou conjoint de fait résidant au Canada jusqu’à la moitié de ce revenu.

Toutefois, dans le cadre du budget du Québec déposé en juin 2014, le gouvernement du Québec a annoncé la fin du fractionnement du revenu de pension dès 2014 pour les rentiers de moins de 65 ans, et ce, dans toutes circonstances. Cette mesure s’applique au Québec seulement. Il s’agit donc d’une perte pouvant être significative pour ceux qui reçoivent une rente de retraite admissible au fractionnement (comme celle provenant d’un régime de retraite à prestations déterminées), mais qui n’ont pas encore 65 ans.

Dans le cas des particuliers âgés de 65 ans et plus, le revenu de pension admissible comprend notamment les paiements de rente viagère prévus par un régime de pension agréé (RPA), les paiements de rente prévus par un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou par un régime de participation différée aux bénéfices (RPDB), les paiements provenant d’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) ainsi que le revenu provenant d’une convention de retraite (dans certaines circonstances très précises). Le revenu de pension admissible des particuliers âgés de moins de 65 ans comprend notamment, et ce, au fédéral seulement selon les règles actuelles, les paiements de rente viagère prévus par un régime de pension agréé (RPA) et certains autres paiements reçus par suite du décès de l’époux ou du conjoint de fait. Il ne s’agit pas d’un transfert « réel » d’argent entre les conjoints, mais simplement d’un choix annuel de partager l’imposition du revenu de pension dans les déclarations fiscales.

Chose certaine, ces règles constituent une véritable bouffée d’air frais pour certains couples de retraités. La préparation de vos déclarations fiscales 2018 au printemps de 2019 devra donc être effectuée avec minutie pour tirer le maximum de ces règles. Plusieurs décisions importantes pourront alors être prises. En effet, le fractionnement peut affecter plus d’une vingtaine d’éléments différents dans les déclarations fiscales. Alors, pas question de faire cela à la main! Un bon logiciel d’impôt et de très bons conseillers pour les préparer constituent donc un must.

13.    Des stratégies de dons de titres boursiers vraiment peu coûteuses

Les dons aux organismes de bienfaisance enregistrés donnent droit à un crédit d’impôt pour dons de bienfaisance (si le donateur est un particulier) ou à une déduction (s’il s’agit d’une société).

De plus, les dons de titres cotés en bourse aux œuvres de bienfaisance et aux fondations donnent droit à une aide fiscale additionnelle. En effet, si un contribuable fait don à un organisme de bienfaisance admissible de titres cotés à une bourse de valeurs visée par règlement (ou de certains autres titres, entre autres des unités de fonds communs de placement ainsi que des unités de fonds distincts), le taux d’inclusion, dans le calcul du revenu, des gains en capital accumulés à l’égard de ces titres est nul. Bref, le gain en capital n’est pas imposable dans une telle situation.

En plus de la non-imposition du gain en capital, n’oubliez pas que le reçu émis par l’organisme de bienfaisance correspondra à la juste valeur marchande du titre boursier.

Par rapport à un don en argent, un don de titres admissibles vous permet donc d’épargner l’équivalent de l’impôt sur le gain en capital tout en bénéficiant en plus d’une généreuse épargne fiscale pour le don de bienfaisance. Ainsi, si votre taux marginal d’imposition est de 53,31 %, votre épargne fiscale supplémentaire (par rapport à un don en argent) sera égale à 26,65 % du gain en capital (soit 50 % x 53,31 %). Ajoutez à cela l’épargne fiscale provenant des crédits d’impôt pour le don de bienfaisance pouvant atteindre 53,31 % en 2018 (dans le cas d’un particulier) et le résultat peut être très favorable! Lorsque le don est effectué par une société privée sous contrôle canadien (SPCC), cela peut procurer des résultats très spectaculaires, car un montant égal à 100 % du gain en capital est crédité au compte de dividendes en capital (CDC). Ce compte permet de verser des dividendes non imposables aux actionnaires de la société privée. Imaginez un don d’actions de sociétés publiques ou d’unités de fonds communs de placement ayant un coût fiscal très faible qui est effectué par une société privée sous contrôle canadien; les effets combinés de l’épargne fiscale rattachée au don de bienfaisance et la création du CDC réduiront énormément le coût réel du don. Pour ceux qui détiennent des actions de BCE depuis les années 70 ou 80 ou encore des actions de sociétés d’assurance vie reçues dans le cadre de leur « démutualisation », cette stratégie peut s’avérer très intéressante. Notez finalement que des restrictions à la non-imposition du gain en capital sur les dons d’actions accréditives ont toutefois été annoncées dans le budget fédéral de 2011.

14.    Parents et grands-parents, mettez vite sur pied un REEE pour vos enfants ou petits‑enfants : au moins 30 % de rendement garanti la première année, ça vous intéresse?

Le régime enregistré d’épargne-études (REEE) a subi d’importantes modifications au cours des 15 dernières années et pour le mieux. Ainsi, en 2018, une subvention fédérale de 20 % est accordée sur les premiers 2 500 $ de cotisations annuelles à un REEE, et ce, pour chaque bénéficiaire âgé de 17 ans ou moins tout au long de l’année. Le taux de la subvention fédérale peut même atteindre 30 % ou 40 % sur les premiers 500 $ annuels de cotisations pour chaque enfant de familles à revenus moyens et modestes. De plus, les familles à revenus modestes peuvent bénéficier d’un « Bon d’études » de 500 $ par enfant (né en 2004 ou après) à la première année d’admissibilité et 100 $ par année par enfant pour chaque année additionnelle d’admissibilité, et ce, suite à de nouvelles règles introduites dans le budget fédéral du 23 mars 2004. De plus, pour les cotisations effectuées depuis le 21 février 2007, il existe aussi un incitatif québécois égal à la moitié de la subvention fédérale, portant ainsi le taux de base des subventions à 30 % des cotisations à un REEE (sous réserve des limites susmentionnées). Bien que les cotisations annuelles à un REEE ne soient pas déductibles pour le cotisant, le rendement peut s’accumuler à l’abri de l’impôt pendant une période maximale d’environ 35 ans. De plus, avec les subventions d’au moins 30 %, cela permet d’accumuler d’importantes sommes pendant plusieurs années en prévision des études de vos enfants ou petits-enfants. La subvention fédérale maximale pour un enfant peut atteindre jusqu’à 7 200 $ sur 18 ans et celle du Québec, jusqu’à 3 600 $. C’est un pensez-y-bien d’autant plus que les règles fiscales ont été modifiées depuis 1997 afin d’assouplir les modalités pour les régimes « familiaux ». Le REEE est désormais à la base de toute stratégie fiscale familiale. De plus, les règles très souples vous permettent de reprendre sans pénalité vos cotisations effectuées à un régime « familial » lorsqu’au moins un des bénéficiaires est inscrit aux études postsecondaires, sous réserve de certaines restrictions et conditions précises à suivre.

Des règles particulières s’appliquent, notamment pour les enfants de 16 et 17 ans. N’hésitez pas à nous poser toutes les questions nécessaires afin de maximiser les bénéfices du REEE, puisqu’il pourrait être important de cotiser à un tel régime avant la fin de l’année si votre enfant a eu 15 ans cette année. Surtout, n’attendez pas avant de commencer à bâtir votre REEE si vous voulez tirer pleinement avantage de chacune des années donnant droit aux subventions d’au moins 30 %.

Finalement, pour bénéficier de la subvention, on doit absolument obtenir le numéro d’assurance sociale de l’enfant. S’il n’en a pas déjà un, faites‑en la demande immédiatement.

15.    Des intérêts non déductibles à un taux excédant 17 % : non merci!

Réduire son fardeau fiscal, cela signifie aussi diminuer non seulement ses impôts, mais aussi les intérêts que les gouvernements exigent des contribuables qui ne font pas correctement leurs acomptes provisionnels d’impôt. Pour les particuliers, ces acomptes se font normalement aux trois mois, tandis que pour les sociétés par actions, il s’agit de versements mensuels (ou trimestriels dans certains cas).

Or, Revenu Québec facture actuellement un taux d’intérêt de 17 % sur un acompte provisionnel en retard, sauf si le particulier a fait 75 % ou plus de son acompte à temps (90 % dans le cas des sociétés), auquel cas le taux
est de 7 %. Comme les intérêts sont capitalisés quotidiennement, cela correspond au Québec à un taux d’environ 18,5 % (et non pas 17 %). L’Agence du revenu du Canada (ARC), quant à elle, facture en ce moment (au 4e trimestre de 2018) un taux d’intérêt de 6 % sur les acomptes en retard, et ce, jusqu’à ce que le contribuable ait supporté 1 000 $ d’intérêt sur ses acomptes en retard. Par la suite, le taux augmente à 9 %. Un retard de six mois sur un acompte non effectué de 5 000 $ coûterait donc plus de deux fois plus cher en intérêts au Québec par rapport au fédéral.

Comme des intérêts sur acomptes provisionnels insuffisants sont non déductibles pour fins fiscales, ils coûtent extrêmement cher. Par conséquent, envisagez les petits trucs suivants, car ils sont très payants :

  1. Payez immédiatement tous vos acomptes en retard; cette stratégie vous vaudra un rendement réel pouvant atteindre plus de 18,5 % net d’impôts.
  2. Si vous n’avez pas toutes les liquidités nécessaires, accordez une priorité à rattraper vos retards sur vos acomptes provisionnels dus à Revenu Québec plutôt qu’à l’ARC; vous épargnerez ainsi plus de 12 % net d’impôts.
  3. Au Québec, dans le cas des particuliers, assurez‑vous d’avoir versé à temps au moins 75 % de votre acompte (plutôt que 60 % à titre d’exemple) afin d’éviter la pénalité d’intérêt additionnel de 10 %.
  4. Empruntez, s’il le faut, les liquidités manquantes pour rattraper vos retards au Québec. Si le coût d’emprunt est de 6 %, vous épargnerez potentiellement plus de 17 % net d’impôts.
  5. Cotisez le maximum à votre REER en rattrapant aussi vos droits de cotisation inutilisés à votre REER provenant d’années antérieures. En abaissant votre revenu imposable, vous abaissez également les impôts exigibles et les intérêts sur acomptes provisionnels insuffisants dans la mesure où cela fait baisser vos versements à effectuer.
  6. Demandez à votre employeur d’augmenter substantiellement vos retenues à la source sur votre salaire si vous deviez faire des acomptes provisionnels à l’égard de vos autres revenus et que vous êtes en retard; en effet, l’augmentation de vos retenues à la source en fin d’année annulera (en partie tout au moins) vos retards sur vos acomptes provisionnels, comme si vous les aviez effectués à temps! La même stratégie peut aussi être appliquée aux retraits de REER ou de FERR effectués vers la fin de l’année. Demandez-nous de l’aide au besoin pour vous assurer que cette stratégie fort simple est applicable à votre cas.

16.    Des « dividendes déterminés », des « dividendes ordinaires » ou des dividendes non imposables?

Depuis 2006, il existe désormais deux types de dividendes imposables qu’une société qui réside au Canada peut verser à ses actionnaires. Il s’agit des « dividendes déterminés » et des « dividendes ordinaires ».

Les premiers sont moins imposés que les seconds. Ainsi, en 2018, le taux maximum d’imposition sur les « dividendes déterminés » s’élève à 39,89 % pour un dividende reçu après le 27 mars 2018 (39,83 % avant cette date) tandis que le taux maximum d’imposition sur les « dividendes ordinaires » atteint 44,83 % pour un dividende reçu après le 27 mars 2018 (43,94 % avant cette date). L’écart est de près de 5 % dans un tel cas et atteint plus de 10 % sur certaines tranches de revenu imposable inférieures au palier maximum d’imposition. Bien que les règles fiscales entourant les « dividendes déterminés » soient relativement complexes, il est possible de résumer la situation ainsi :

  • Les dividendes versés par les sociétés cotées en bourse constitueront, règle générale,
    des « dividendes déterminés » (donc, globalement moins imposés);
  • Les dividendes versés par une société privée sous contrôle canadien (SPCC) en 2018 peuvent, selon la nature des revenus gagnés par la société, constituer des « dividendes ordinaires » ou des « dividendes déterminés ». Une société privée sous contrôle canadien (SPCC) peut, règle générale, verser des « dividendes déterminés » si elle a gagné un revenu « actif » d’entreprise n’ayant pas bénéficié du taux réduit d’imposition pour les PME (déduction pour petite entreprise – DPE) ou encore, si elle a reçu des « dividendes déterminés » d’une autre société. Comme ces nouvelles règles dépassent largement le contexte du présent bulletin, n’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus. Il nous fera plaisir de vous aider à débroussailler le tout et à réduire votre fardeau fiscal.

Cette nouvelle hausse des taux d’imposition des « dividendes ordinaires », combinée aux hausses qui sont survenues en 2014 et 2016 (et celles à venir de 2019 à 2021), pourrait amener certaines personnes à revoir leur mode de rémunération (surtout dans un contexte d’actionnaire dirigeant). En effet, il pourrait être possible de remplacer le dividende reçu par un salaire ou encore d’envisager des stratégies de déclenchement volontaire de gains en capital corporatifs sur des placements boursiers (sous réserve des conséquences négatives abordées à la section 3) pour tirer avantage de dividendes non imposables provenant de ce qui est appelé le compte de dividendes en capital (CDC) dans le jargon fiscal. Il s’agit d’une situation qui doit être étudiée au cas par cas, tel que nous avons l’avons vu à la section 2.

17.    Vos placements : il ne faut pas négliger certaines règles fiscales

Pour ceux qui songent à acquérir des unités de fonds communs de placement (incluant des fonds négociés en bourse) à même des fonds hors REER, hors FERR ou hors CELI, il faut porter une attention particulière aux distributions de fin d’année que réalisent les gestionnaires de fonds communs. En effet, certains fonds distribuent aux détenteurs des unités à la fin de l’année, les revenus d’intérêt et de dividendes ainsi que les gains en capital imposables réalisés tout au long de l’année. Il est donc généralement préférable d’acquérir les unités au début de l’année suivante plutôt qu’à la fin de la présente année.

Pour ceux qui possèdent déjà des fonds communs de placement hors REER, hors FERR ou hors CELI et qui s’attendent à d’importantes distributions de fin d’année, il peut être possible, dans certains cas, de changer simplement de fonds à l’intérieur d’une même famille avant la distribution de fin d’année, et ce, afin d’éviter ladite distribution. Cette stratégie fort intéressante doit toutefois être utilisée avec minutie, car elle entraîne généralement une vente réputée des unités et peut déclencher un gain imposable si les unités avaient augmenté en valeur.

D’autre part, si vous détenez des titres à revenu fixe (obligations, CPG, etc.), habituez-vous à choisir des placements qui viennent à échéance au début d’une année civile (par exemple, en janvier) plutôt qu’à la fin de l’année. En agissant ainsi, vous reportez de 11 mois l’imposition de vos revenus d’intérêt, et ce, année après année.

18.    Rendez vos intérêts déductibles d’impôt grâce à différentes stratégies

Il existe différentes stratégies permettant de convertir des emprunts où les intérêts sont non déductibles en emprunts où les intérêts le sont pleinement. Voyons deux exemples concrets tout en vous rappelant qu’il faut par la suite éviter de « contaminer » un emprunt où les intérêts sont pleinement déductibles aux fins fiscales.

1er exemple : la réorganisation des emprunts

Il est encore possible de réorganiser ses emprunts afin de maximiser la déduction des intérêts aux fins fiscales. À titre d’exemple seulement, un particulier pourrait vendre certains placements à la bourse qu’il détient hors REER, hors FERR ou hors CELI, payez des dettes où les intérêts sont non déductibles et emprunter à nouveau immédiatement après pour acquérir à nouveau des placements à la bourse. En agissant ainsi, les intérêts sur le nouvel emprunt pourraient être admissibles en déduction. L’Agence du revenu du Canada (ARC) reconnaît clairement que cette stratégie rencontre les critères de déductibilité des intérêts, et ce, tel qu’elle le mentionne au paragraphe 1.33 de son folio de l’impôt sur le revenu S3‑F6‑C1.

2e exemple : la technique de la « mise à part de l’argent »

Les travailleurs autonomes non incorporés, les propriétaires d’immeubles locatifs et les associés d’une société en nom collectif peuvent utiliser de façon très avantageuse cette technique de planification fort avantageuse.

La « mise à part de l’argent » est tout simplement une technique qui fait en sorte que le contribuable conserve les recettes brutes de son entreprise (ou les revenus locatifs) afin de payer ses dépenses personnelles ou ses emprunts pour lesquels les intérêts sont non déductibles, tandis que les dépenses où les intérêts sont déductibles sont plutôt financées par voie d’emprunt, au besoin.

Ainsi, à titre d’exemple seulement, en scindant dans des comptes de banque distincts les recettes de l’entreprise du travailleur autonome non incorporé et les dépenses de son entreprise, on peut alors s’assurer qu’il utilisera 100 % de ses revenus bruts tirés de son entreprise pour payer ses dettes ou dépenses personnelles et il utilisera des emprunts distincts (une marge de crédit à titre d’exemple) pour acquitter 100 % de ses dépenses d’affaires.

En agissant ainsi, le travailleur autonome convertira progressivement tous ses emprunts où les intérêts sont non déductibles aux fins fiscales en emprunts où les intérêts le sont entièrement. Plus le travailleur autonome a des dépenses d’opération élevées, plus la conversion sera rapide (dans la mesure, évidemment, où il a aussi des recettes brutes au moins équivalentes).

Cette technique de la « mise à part de l’argent » pour les travailleurs autonomes non incorporés, les propriétaires d’immeubles locatifs et les associés d’une société en nom collectif peut être utilisée dans plusieurs situations, y compris pour le remboursement accéléré de toutes dettes où les intérêts ne sont pas déductibles, le rattrapage des cotisations inutilisées au REER, les cotisations au CELI, le paiement de ses impôts en retard, le paiement de primes sur une police d’assurance vie universelle, etc.

La clé, c’est simple. Il faut garder les recettes brutes pour défrayer les déboursés où les intérêts sur un emprunt pour payer de tels déboursés ne seraient pas déductibles et utiliser une marge de crédit pour payer les déboursés où les intérêts sont déductibles.

L’ARC a confirmé la validité de cette technique dans le cadre de la décision anticipée # 2002‑0180523 ainsi qu’au paragraphe 1.34 de son folio de l’impôt sur le revenu S3‑F6‑C1.

19.    Un pot-pourri de conseils de fin d’année

Évidemment, de multiples autres stratégies de fin d’année peuvent être envisagées. Notons très brièvement les suivantes :

  1. Conserver les reçus pour les dépenses de rénovation à l’égard du logement dans lequel habite un aîné ou une personne handicapée. De telles dépenses pourraient être admissibles au crédit d’impôt pour l’accessibilité domiciliaire au fédéral. Veuillez nous consulter pour plus de détails à ce sujet.
  2. Payez vos enfants de 18 ans et plus pour la garde de vos enfants âgés de 15 ans et moins à un moment de l’année; faites le paiement appuyé par des preuves tangibles (comme des chèques).
  3. Si vous êtes en affaires (travailleur autonome ou incorporé), planifiez bien les acquisitions de matériel informatique neuf ou de matériel de fabrication et de transformation neuf afin de profiter de la déduction additionnelle temporaire du Québec qui correspond à 60 % de l’amortissement réclamé à l’égard d’un bien admissible. Cette déduction s’applique pour deux ans et le bien doit être acquis après le 27 mars 2018 et avant le 1eravril 2020.
  4. Si vous êtes actionnaires d’une PME et que vous songez à « cristalliser » votre exemption pour gains en capital (de 848 252 $ en 2018), songez à réaliser cette cristallisation sur deux années civiles (fin de 2018 et début de 2019) pour minimiser les incidences de l’impôt minimum de remplacement et profiter du même coup de l’indexation à l’exemption prévue pour 2019. Règle générale, évitez de déclencher des pertes en capital (à la bourse, par exemple) dans les années civiles où vous procédez à une telle cristallisation. Notez que le seuil d’exemption de 848 252 $ en 2018 est indexé annuellement.
  5. Payez vos frais financiers, frais médicaux, dons de charité et contributions politiques avant la fin de l’année civile.
  6. Si vous êtes actionnaires d’une société et qu’elle vous a consenti des avances, remboursez-les au plus vite pour éviter l’inclusion à votre revenu du montant des avances. Envisagez notamment la vente d’actifs à votre société comme méthode de remboursement si cela est possible.
  7. Si vous songez à retirer des fonds de votre REER dans le cadre du Régime d’accession à la propriété (RAP), n’oubliez pas d’effectuer tous les retraits dans la même année civile, faute de quoi, les retraits effectués dans l’année civile subséquente seront, règle générale (sauf ceux effectués en janvier), pleinement imposables.
  8. Si vous avez 71 ans, convertissez votre REER en FERR et utilisez l’âge de votre conjoint plus jeune pour déterminer les retraits minimums à effectuer.
  9. Si vous avez des enfants de moins de 18 ans, assurez-vous que vous êtes bel et bien inscrit auprès de l’Agence du revenu du Canada (ARC) afin de recevoir l’Allocation canadienne pour enfants (ACE).
  10. Si vous êtes actionnaire d’une PME, envisagez de mettre sur pied un régime de retraite individuel (RRI). Les sommes qui s’accumuleront via les cotisations déductibles (qui seront effectuées par la PME) peuvent largement excéder celles qui pourraient autrement être effectuées à un REER. Attention cependant aux frais rattachés à un tel régime et assurez-vous que les calculs effectués pour démontrer les avantages tiennent compte de tous les éléments servant aux comparaisons afin de déterminer s’il s’agit d’une stratégie valable ou non dans votre cas précis. Cela pourrait également être une stratégie pour réduire le niveau des revenus passifs d’une société privée et éviter les conséquences négatives rattachées à un niveau trop élevé de ces revenus (voir la section 3).
  11. Si vous êtes un « employé de métier », planifiez vos achats d’outils neufs de façon à maximiser vos épargnes fiscales suite à la déduction introduite à cet égard en 2006.
  12. Envisagez l’acquisition d’actions de la société Capital régional et coopératif Desjardins lorsque cela est encore possible. Le taux du crédit d’impôt, qui est disponible au Québec seulement, est actuellement de 35 %. Cela peut être intéressant entre autres pour un particulier qui reçoit uniquement un revenu de dividendes et qui a presque uniquement de l’impôt provincial à payer. Un nouveau crédit d’impôt temporaire de 10 % peut également être obtenu en convertissant les actions de CRCD détenues depuis plus de 7 ans dans une autre catégorie d’actions. N’hésitez pas à nous consulter pour plus de détails sur cette possibilité qui pourrait vous permettre de mettre la main sur un crédit d’impôt maximal de 1 500 $ en 2018 sans avoir déboursé quoi que ce soit.
  13. Envisagez la possibilité d’acquérir des actions de Fondaction (CSN) ou du Fonds de solidarité FTQ. Des crédits d’impôt pouvant atteindre respectivement 35 % pour le Fondaction et 30 % pour le Fonds de solidarité FTQ sont disponibles en 2018, en plus de la déduction au titre d’un REER.
  14. Envisagez, en tenant compte des risques, d’investir dans des actions accréditives.
  15. Si vous êtes travailleur autonome et que vous songez à acquérir prochainement des immobilisations qui seront utilisées dans le cadre de l’exploitation de votre entreprise, procédez à l’achat de ceux-ci avant la fin de l’année afin de bénéficier dès 2018 de la déduction pour amortissement, dans la mesure où ils seront « prêts à être mis en service » en 2018.

Finalement, mettez en place de réelles stratégies payantes pour 2019 (en plus de celles déjà mentionnées dans ce bulletin). À titre d’exemple seulement, notons les suivantes :

  1. Multipliez les stratégies de fractionnement de revenus avec votre conjoint (telles que la demande de partage de la rente du RRQ, le paiement d’un salaire raisonnable, etc.) ainsi qu’avec vos enfants et petits-enfants (sous réserve des importantes règles expliquées à la section 1). De plus, adoptez une réelle stratégie fiscale familiale. À titre d’exemple, envisagez de donner de l’argent à vos enfants majeurs afin qu’ils puissent eux-mêmes cotiser à leur propre REER, à leur CELI ou encore à un REEE au bénéfice de leurs enfants. Un tel don d’argent à vos enfants majeurs n’est ni déductible pour le donateur ni imposable pour le bénéficiaire. Même si un tel don d’argent à vos enfants ne réduira pas vos propres impôts dans l’immédiat, il permettra à des membres de votre « famille » de réduire leur facture fiscale. Vous pouvez aussi envisager des stratégies de fractionnement de revenus sur une très longue période qui seront très intéressantes en prêtant des sommes d’argent à votre conjoint ou à une fiducie pour vos enfants, et ce, à un taux d’intérêt aussi bas que 2 % pour toute la durée du prêt. Ce taux est le taux « prescrit » qui est à utiliser au cours du quatrième trimestre de 2018 en vertu des lois fiscales.
  2. Si vous avez un véhicule fourni par votre employeur ou par votre société par actions, il devrait s’agir d’un véhicule loué plutôt qu’acheté afin de réduire de moitié l’avantage imposable relatif au droit d’usage d’un véhicule fourni par l’employeur; sur une période de trois à quatre années, la différence est très importante.
  3. Si vous attendez un enfant en 2019, apprenez à comprendre clairement les modalités du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) afin de maximiser les prestations que vous pourriez recevoir.
  4. Envisagez d’effectuer un gel successoral par le biais d’une fiducie familiale discrétionnaire; bien effectué, cela peut donner aux propriétaires d’une PME une souplesse inouïe au fil des années et une baisse importante des impôts au décès dans bien des cas.
  5. Donnez-vous comme résolution pour l’an 2019 d’éviter les retards sur vos acomptes provisionnels.
  6. Pour vos placements hors REER et hors CELI, envisagez de faire des placements à long terme (mais de qualité) axés sur des stratégies de gains en capital (et potentiellement un bon rendement en dividendes pour soutenir la valeur du placement). En effet, contrairement à des revenus d’intérêt qui sont imposés annuellement, le gain en capital n’est généralement imposable qu’à la vente du placement. À long terme, cela constitue une différence très importante. Finalement, la baisse du taux d’imposition applicable notamment aux dividendes de sociétés canadiennes cotées en bourse (« dividendes déterminés ») depuis 2006 rend de tels dividendes plus compétitifs que le revenu d’intérêt sur le plan fiscal.
  7. Envisagez de contribuer à un régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI) si vous avez un enfant handicapé. De généreuses subventions et bons d’invalidité sont offerts par le gouvernement fédéral. Si vous êtes vous-même handicapé, vous pouvez également profiter des règles du REEI (sous réserve d’importantes restrictions rattachées à votre âge).

Conclusion

La planification fiscale, c’est un ensemble de gestes que l’on pose tout au long de l’année selon les circonstances et selon les nombreux changements aux lois fiscales qui surviennent à un rythme effréné. N’hésitez pas à nous consulter afin de discuter de toutes les possibilités de réduction de votre fardeau fiscal, de celui de votre famille ainsi que de votre entreprise. Il nous fera plaisir de vous aider.

Vos conseillers et collaborateurs,

CLOUTIER LONGTIN INC.

Les automobiles: faut-il louer ou acheter? Fournies par l’employeur ou par l’employé?

En bref…

  • Le taux d’utilisation à des fins personnelles est définitivement la clé pour déterminer si l’automobile doit être fournie ou non par l’employeur.
  • Une automobile fournie par l’employeur doit, règle générale, être une automobile louée afin de diminuer radicalement l’avantage imposable.
  • Quelles sont les règles sur les frais de fonctionnement d’une automobile fournie par l’employeur?
  • Pour une détention personnelle, faut-il louer ou acheter? La clé à cette énigme réside souvent dans ce que vous ferez avec les liquidités supplémentaires!

 

Ce sujet fort important, qui vise un très grand nombre d’individus et d’entreprises, mérite toute votre attention! Même s’il est parfois abordé dans certains médias écrits, les informations transmises sont souvent de nature trop générale et omettent plusieurs critères essentiels à la prise de décisions. Voilà pourquoi le présent bulletin tentera de répondre de façon précise à plusieurs de vos interrogations. Évidemment, les questions fiscales, en plus des aspects financiers, doivent être considérées quant aux choix à effectuer.

Il est impossible de traiter toutes les situations sur un pied d’égalité, car les règles fiscales applicables peuvent être très différentes. Ainsi, nous aborderons le sujet en trois parties distinctes, à savoir :

Partie I : les automobiles utilisées dans le cadre d’un emploi.

Partie II : les automobiles utilisées strictement à des fins personnelles.

Partie III les automobiles utilisées par des travailleurs autonomes.

Cette façon de procéder permettra d’apporter un éclairage plus juste sur les décisions à prendre.

Partie I : les automobiles utilisées dans le cadre d’un emploi

Lorsqu’un employé, un cadre ou un actionnaire dirigeant d’une entreprise réfléchit sur son mode de rémunération, il peut envisager deux scénarios à l’égard de son automobile, à savoir :

  1. demander à son employeur de lui fournir une automobile;
  2. fournir lui-même son véhicule moyennant ou non une compensation.

Il existe des règles particulières dans les lois fiscales prévoyant l’ajout d’un avantage imposable au revenu de l’employé à l’égard du ou des véhicules fournis par l’employeur, car dans la plupart des situations, l’employé (ou l’actionnaire dirigeant) en retire un avantage du fait qu’il peut utiliser le véhicule fourni par l’employeur à des fins personnelles. Cependant, il est clair que d’avoir un véhicule fourni peut être une excellente solution pour certains employés et une mauvaise décision pour d’autres employés. Essentiellement, l’élément majeur qui fera pencher la balance en faveur d’un côté ou de l’autre est le taux d’utilisation à des fins personnelles du véhicule automobile ainsi que l’option « location », et ce, tel que nous le démontrerons dans le présent bulletin. Analysons les deux scénarios à envisager afin de prendre la meilleure décision dans le cas qui vous concerne. Notez que des règles particulières s’appliquent à certains véhicules de type « pick-up » ou fourgonnettes (non traitées dans ce bulletin) qui ne répondent pas à la « définition fiscale » d’une automobile.

Si vous demandez à votre employeur de vous fournir une automobile

Dans un tel cas, les lois fiscales prévoient que votre employeur doit ajouter à vos revenus deux avantages imposables :

  1. un avantage imposable relatif aux frais de fonctionnement du fait que votre employeur défraie à votre place les frais de fonctionnement de l’automobile lorsque vous l’utilisez à des fins personnelles;
  2. un avantage imposable relatif au droit d’usage du fait que vous avez le droit d’utiliser le véhicule de l’employeur à des fins personnelles.

Pour l’année 2018, l’avantage imposable relatif aux frais de fonctionnement (essence, assurances, permis, entretien et réparation, etc.) à l’égard d’une automobile fournie par l’employeur s’élève à 0,26 $ par kilomètre parcouru à des fins personnelles par l’employé (notez que des règles spéciales sont prévues pour les employés dont les fonctions sont principalement la vente ou la location d’automobiles). Ainsi, si vous avez une automobile fournie par votre employeur et que vous parcourez 15 000 km à des fins personnelles et 5 000 km aux fins de votre emploi en 2018, l’avantage imposable relatif aux frais de fonctionnement s’élèvera à 3 900 $ (15 000 km x 0,26 $). Une autre méthode de calcul peut aussi être utilisée, mais uniquement dans le cas où l’automobile est utilisée à plus de 50 % à des fins d’emploi. Cette méthode alternative peut d’ailleurs procurer d’excellents résultats (en termes d’avantage imposable moindre) suite aux assouplissements apportés par le budget fédéral de 2003.

D’autre part, il est important de noter que l’avantage relatif aux frais de fonctionnement d’une automobile fournie par l’employeur se situe présentement en 2018 à 0,26 $ par kilomètre parcouru à des fins personnelles peu importe le type de voitures. Cela signifie donc que les règles fiscales traitent sur le même pied les frais de fonctionnement relatifs à une voiture Mercedes et ceux relatifs à une Hyundai Accent (ou même à une voiture électrique). Cela nous apparaît un non-sens évident (seulement qu’à penser aux coûts d’assurances et d’essence), mais nul doute qu’il s’agit d’une règle favorisant les employés ayant à leur disposition des véhicules « haut de gamme » ou encore des véhicules mal en point nécessitant des réparations importantes. Si vous trouvez que l’avantage pour frais de fonctionnement est trop élevé à 0,26 $ du kilomètre parcouru à des fins personnelles, vous pourriez songer à ce que l’employé assume tous les frais de fonctionnement de l’automobile fournie par l’employeur (autres que ceux rattachés directement à la location (mensualités de location) ou à l’acquisition du véhicule). L’employé pourrait par la suite demander à l’employeur de lui verser une allocation de 0,26 $ du kilomètre parcouru à des fins d’emploi. Ce principe pourrait ne pas s’appliquer à l’égard d’une voiture électrique selon l’ARC, puisqu’une telle allocation pourrait être jugée déraisonnable par rapport aux coûts réellement engagés (interprétation fédérale # 2016‑0674801C6).

Il faut aussi préciser que l’avantage imposable demeurait auparavant le même montant par kilomètre parcouru à des fins personnelles même si l’employeur n’assumait qu’une partie des frais de fonctionnement. À titre d’exemple, si votre employeur ne supportait que les frais d’assurance, mais pas les frais d’essence et d’entretien, l’avantage imposable demeurait néanmoins au même montant par kilomètre parcouru à des fins personnelles. La règle d’or était donc que l’employeur devait assumer la totalité ou quasi-totalité des frais de fonctionnement ou ne pas les assumer du tout lorsqu’il s’agissait d’une automobile fournie par l’employeur. Or, l’ARC a annoncé qu’elle avait modifié et assoupli sa position administrative en 2008 par rapport à celle plus rigide qui existait depuis 1995! En effet, dans l’interprétation fédérale # 2008‑0274071I7 du 26 mai 2008, l’ARC a indiqué qu’elle modifiait favorablement sa position et qu’elle accepte désormais de façon administrative que les dépenses payées directement par l’employé à des tiers réduisent l’avantage imposable des frais de fonctionnement calculés à 0,26 $ du kilomètre en 2018. Cela constitue donc un renversement de la position adoptée à l’origine en 1995 (interprétation fédérale # 9507005), car il était auparavant impossible de réduire l’avantage imposable pour « frais de fonctionnement » à l’égard des frais payés directement par l’employé à des tierces parties (comme l’essence ou des réparations). Il s’agit donc là d’une bonne nouvelle.

Le deuxième avantage imposable concerne l’avantage relatif au droit d’usage. Les règles sont cependant totalement différentes selon que l’automobile fournie par l’employeur est utilisée à 50 % ou moins à des fins d’affaires ou à un pourcentage excédant 50 %.

A.        Automobiles utilisées à 50 % ou moins à des fins d’affaires

Sans entrer dans les détails techniques, le calcul annuel de cet avantage peut se résumer ainsi pour un véhicule fourni à un employé durant toute l’année :

  1. dans le cas d’un véhicule loué par l’employeur :
    ⅔ des frais de location du véhicule (incluant les taxes);
  2. dans le cas d’un véhicule acheté par l’employeur :
    24 % du coût original du véhicule (incluant les taxes).

Dans un tel cas, on constate que le fait que l’employé ait utilisé le véhicule de son employeur à 95 % ou à 55 % à des fins personnelles ne modifie pas le montant de l’avantage imposable pour droit d’usage.

Évidemment, si le véhicule ne vous a pas été fourni pendant toute l’année, un ajustement proportionnel est prévu dans les lois fiscales. De plus, des règles particulières s’appliquent aux employés dont les fonctions sont principalement la vente ou la location d’automobiles.

En effectuant le test du pourcentage d’utilisation à des fins d’affaires, il faut garder en mémoire que la distance parcourue entre la résidence de l’employé et le lieu d’affaires de l’employeur constitue, règle générale, un usage personnel tandis qu’un déplacement effectué de la résidence de l’employé directement chez un client est généralement considéré comme étant effectué à des fins d’affaires.

B.         Automobiles utilisées à plus de 50 % à des fins d’affaires

Depuis 2003, un employé peut bénéficier d’une réduction de l’avantage pour droit d’usage si les deux conditions suivantes sont satisfaites :

  1. la distance parcourue par l’automobile alors qu’elle est mise à la disposition de l’employé l’a été principalement dans l’accomplissement de ses fonctions (donc, plus de 50 % de l’utilisation est à des fins d’affaires);
  2. la distance parcourue à des fins personnelles est inférieure à 1 667 kilomètres par mois (c’est-à-dire 20 004 kilomètres par année).

Notez que pour les années antérieures à 2003, il fallait un pourcentage de 90 % ou plus à i) et un kilométrage inférieur à 1 000 kilomètres par mois à ii). Il s’agit donc d’un assouplissement majeur pour les particuliers ayant une automobile fournie par l’employeur et dont le taux d’utilisation à des fins d’affaires se situe entre 50 % et 90 %, et ce, tel que l’exemple suivant le démontre.

Exemple

M. Labonté a une automobile fournie par son employeur. Il s’agit d’un véhicule loué dont les mensualités (taxes comprises) s’élèvent à 600 $ par mois. Le véhicule lui sera fourni tout au long de l’année 2018. Il devrait parcourir 25 000 kilomètres, dont 10 000 kilomètres à des fins personnelles et 15 000 kilomètres à des fins d’affaires.

En 2002, l’avantage imposable pour droit d’usage aurait été le suivant :

⅔ x (600 $ par mois x 12 mois) = 4 800 $

En 2018, l’avantage imposable pour droit d’usage sera le suivant :

⅔ x (600 $/mois x 12 mois) multiplié par :

10 000 kilomètres (utilisation personnelle) = 2 400 $
1 667 km x 12 mois (ou si vous préférez, 20 004 km)

On constate donc que l’avantage imposable pour droit d’usage, dans cet exemple, a été réduit de moitié par rapport aux anciennes règles. D’autre part, si M. Labonté a plutôt utilisé le véhicule à des fins personnelles pour un total de 5 000 kilomètres, l’avantage sera égal à 25 % de 4 800 $, soit 1 200 $. Par contre, si M. Labonté avait utilisé le véhicule à des fins personnelles pour 15 000 kilomètres (sur un total de 25 000 kilomètres), aucune réduction de l’avantage imposable n’en découlerait, car l’utilisation à des fins d’affaires n’aurait pas excédé 50 %. N’oubliez pas la première condition! Cette règle signifie aussi qu’il y a bonification automatique et favorable de la réduction de l’avantage imposable si le particulier franchit annuellement moins de 20 004 km par année (distance totale), tout en ayant une portion « affaires » qui excède 50 %.

Notez qu’en vertu d’une règle proposée dans le budget du Québec du 30 mars 2004, l’employé est désormais tenu de fournir à son employeur une copie de son registre de déplacements, et ce, pour les années d’imposition 2005 et suivantes. Une pénalité fiscale de 200 $ par année pourra être imposée à l’employé en défaut.

Le véhicule fourni doit-il être loué ou acheté par l’employeur?

Cet aspect est primordial. Étant donné que les règles fiscales de base pour déterminer l’avantage imposable relatif au droit d’usage selon qu’il s’agit d’une automobile louée ou achetée n’ont pas été modifiées depuis 1981(!) et que les taux d’intérêt ont une influence majeure sur le loyer mensuel d’une automobile, une réflexion s’impose. En effet, les taux d’intérêt ont baissé progressivement, mais de façon très importante, depuis 1981. Ainsi, les mensualités d’une location automobile ont baissé énormément (pour un coût d’achat égal), entraînant également une baisse substantielle de l’avantage imposable relatif au droit d’usage dans le cas d’une automobile louée par l’employeur.

Ainsi, pour un employé, il est généralement beaucoup plus avantageux de voir l’employeur louer le véhicule qui lui sera fourni plutôt que de voir l’employeur acheter le véhicule, et ce, tel que le tableau 1 (voir plus loin) le démontre clairement.

tableau 1Il s’agit d’un calcul simple à effectuer et qui peut effectivement procurer des économies substantielles à l’employé d’autant plus que les contrats de location comportent des clauses beaucoup plus souples qu’auparavant. Règle générale, la location du véhicule par l’employeur plutôt que l’achat par l’employeur a pour effet de réduire l’avantage imposable relatif au droit d’usage d’au moins la moitié pour une location « type » de 36 à 48 mois. C’est plus qu’un pensez-y-bien! Ce principe demeure entièrement applicable même si l’employé bénéficie d’un avantage imposable réduit en vertu des assouplissements introduits en 2003 par les autorités fiscales et que nous avons abordé précédemment. L’écart en termes de dollars sera alors simplement moins grand et l’impact sur la décision de l’employeur de louer plutôt que d’acheter l’automobile variera selon l’importance de la réduction de l’avantage imposable en vertu des nouvelles règles introduites en 2003. Le ministère des Finances du Canada a officiellement été avisé de cet écart injustifiable en termes de politique fiscale. Il reste à savoir si une modification législative éventuelle en résultera.

D’autre part, rien n’empêche l’employeur d’exercer son option d’achat à la fin du contrat de location. Si le prix de l’option correspond alors sensiblement à la juste valeur marchande de l’automobile à cette date (une valeur clairement moins élevée que le coût original), l’avantage imposable annuel sera alors calculé en utilisant 24 % (2 % par mois) du prix payé pour exercer l’option et non pas du coût original! L’interprétation fédérale # 2009-0350541E5 confirme d’ailleurs notre analyse.

Dans quelles circonstances est-il préférable d’avoir une automobile fournie par l’employeur?

Après avoir noté que la location s’avère généralement une solution entraînant un fardeau fiscal beaucoup moins lourd pour l’employé dans le cas d’une automobile fournie par l’employeur, il faut alors franchir l’étape suivante. Dans quel cas devrait-on fournir une automobile et dans quel cas devrait-on demander à l’employé de fournir le véhicule tout en le compensant en conséquence, au besoin.

C’est en analysant la formule pour déterminer l’avantage imposable relatif au droit d’usage que l’on trouve la réponse.

S’il n’y a aucune réduction de l’avantage imposable

En forçant l’inclusion d’un avantage imposable égal à ⅔ des frais de location, les lois fiscales présument donc indirectement un avantage pour droit d’usage basé sur une utilisation personnelle de 66 ⅔ % (soit ⅔ des frais de location payés par la société). Cela signifie que deux employés parcourant 25 000 kilomètres par année sont traités de façon identique aux fins de cet avantage même si un employé utilise le véhicule à 60 % à des fins personnelles et l’autre employé à 95 %.

Ainsi, comme les lois fiscales présument, dans ce cas précis visant une automobile louée, que vous utilisez l’automobile fournie par l’employeur pour ⅔ à des fins personnelles et ⅓ à des fins de travail, il faut en conclure ceci :

  • Comme l’employé n’a pas droit à une réduction de l’avantage imposable en vertu des nouvelles règles introduites en 2003, plus il utilise le véhicule à des fins personnelles, plus le fait d’avoir une automobile fournie par l’employeur est avantageux. En effet, si l’employé utilise le véhicule à 95 % à des fins personnelles, mais que l’avantage imposable pour droit d’usage ne reflète qu’une utilisation personnelle de 66 ⅔%, cet excédent n’est pas imposé du tout au niveau de l’avantage pour droit d’usage.

Si l’employé bénéficie de la réduction de l’avantage imposable

Dans ce cas, pour une automobile louée fournie par l’employeur, il faut simplement ajuster la formule pour tenir compte de la réduction et tirer les conclusions appropriées.

Ainsi, si l’employé a droit à une réduction de l’avantage pour droit d’usage de 75 % en vertu des nouvelles règles introduites en 2003 (voir l’exemple de M. Labonté présenté dans les pages précédentes), les lois fiscales présumeront donc qu’aux fins de l’avantage pour droit d’usage d’une automobile louée, l’employé utilise le véhicule à 16,67 % à des fins personnelles (soit ⅔ X 25 %). Vous pourrez alors comparer ce résultat avec votre utilisation réelle à des fins personnelles afin de déterminer si le fait d’avoir un véhicule fourni par l’employeur est une sage décision. De plus, dans cet exemple, vous pourrez aussi bénéficier de la méthode « alternative » pour calculer l’avantage imposable relatif aux frais de fonctionnement et ne pas utiliser la méthode « standard » de 0,26 $ par kilomètre parcouru à des fins personnelles en 2018. Dans certains cas, vous serez agréablement surpris des résultats!

Si le véhicule est plutôt fourni par l’employé, quel mode de compensation devrait-il obtenir de la société à l’égard de l’utilisation à des fins d’affaires?

À cet égard, on peut envisager deux modes de compensation pour l’employé (incluant un actionnaire dirigeant).

Mode 1

  • Une allocation au kilomètre est non imposable si elle est raisonnable. À titre d’exemple seulement, cela pourrait être d’environ 0,49 $ à 0,55 $ du kilomètre pour un véhicule récent parcourant une distance de 20 000 kilomètres par année. Le montant doit demeurer raisonnable, sinon vous subirez les foudres du fisc;
  • l’employé ne déduira aucune dépense d’automobile dans ses déclarations fiscales et assumera personnellement les coûts réels pour l’automobile;
  • l’employeur ne pourra cependant déduire, en 2018, qu’un maximum de 0,55 $ du kilomètre sur les premiers 5 000 km par employé et 0,49 $ du kilomètre sur l’excédent.

Ce mode de compensation est à envisager par les employés qui franchissent beaucoup de kilomètres à des fins d’affaires et qui ont un véhicule en bon état.

Mode 2

  • L’employeur remplit et signe le formulaire fédéral T2200 ainsi que son équivalent provincial (TP-64.3) et l’employé déduit les dépenses d’automobile qu’il a réellement supportées dans ses déclarations fiscales;
  • l’employeur peut verser un salaire additionnel ou une allocation mensuelle à l’employé pour l’aider à payer ses dépenses d’automobile, mais une telle somme sera généralement imposable pour le particulier.

Ce mode peut être fort valable pour les employés qui ne franchissent pas assez de kilomètres à des fins d’affaires pour utiliser le mode 1, bien qu’ils doivent utiliser régulièrement leur véhicule pour leur travail ou encore s’ils ont un véhicule dont les frais de fonctionnement sont élevés.

Partie II : les automobiles utilisées strictement à des fins personnelles

Lorsqu’un particulier veut changer son véhicule qu’il utilise strictement à des fins personnelles (c’est-à-dire pour ses déplacements personnels tels que l’aller-retour à son travail, pour ses loisirs, etc.), l’inévitable question revient sur le plancher. Devrait-il louer le véhicule ou l’acheter?

Évidemment, hormis les questions financières, il ne faut pas oublier qu’il existe aussi des facteurs d’ordre personnel qui vont influencer la décision.

Certains critères militant en faveur de l’achat

À titre d’exemple seulement, parmi les avantages de l’achat d’une automobile, qui relèvent entre autres de facteurs personnels, notons les suivants:

  1. il existe peu de contraintes quant aux limites de kilométrage;
  2. il existe généralement moins de contraintes quant à l’usure ou à l’état général du véhicule (par exemple, de légers dommages) ainsi qu’à la revente du véhicule;
  3. les ajouts ou la modification du véhicule peuvent être envisagés avec plus de liberté, car le véhicule sera peut être conservé plus longtemps que dans le cas d’une location;
  4. l’achat permet d’accumuler un certain capital pour l’acquisition du prochain véhicule (par le biais de la valeur d’échange et/ou par la fin des mensualités relatives au prêt).

Certains critères militant en faveur de la location

À titre d’exemple seulement, parmi les avantages de la location et qui relèvent entre autres de facteurs personnels, mentionnons :

  1. la conduite d’un véhicule à l’état neuf de façon plus fréquente;
  2. des frais d’entretien et de réparation moins élevés dans le cas où un véhicule loué est conservé moins longtemps qu’un véhicule acheté;
  3. une valeur résiduelle « garantie » à la fin du bail (si le véhicule a une usure normale);
  4. des mensualités moins élevées permettant de régler « d’autres dettes » ou encore la possibilité de conduire un véhicule plus luxueux pour une mensualité identique à un achat (bien que dans ce dernier cas, l’avantage deviendra définitivement un inconvénient à moyen et à long terme);
  5. un véhicule loué sera généralement plus « fiable » et causera moins de surprises désagréables dans la mesure où il s’agit d’un modèle plus récent.

Il va cependant de soi que ce qui est un avantage pour l’achat devient généralement un inconvénient pour la location et vice-versa. Les critères susmentionnés auront donc un impact non négligeable dans la prise de décisions.

 

Mensualités : location vs achat

COMPARAISON DES MENSUALITÉS LOCATION VS ACHATL’augmentation importante du prix des véhicules neufs au cours de la dernière décennie couplée à une augmentation plus faible du revenu disponible des ménages a contribué à populariser le choix de la location au détriment de l’achat par la population québécoise. Évidemment, étant donné que la location permet de payer des mensualités moins élevées (car vous ne remboursez pas la valeur résiduelle du véhicule), cela déclenche, de prime abord, un attrait particulier. Regardons un exemple basé sur un véhicule neuf financé sur des périodes de 36 mois et 48 mois. Afin de permettre une comparaison adéquate, nous avons utilisé une situation réelle où le taux d’intérêt applicable au contrat de location ou au contrat d’emprunt offert par le concessionnaire était le même. Il va de soi qu’il faut toujours porter une attention particulière à cet aspect, car le taux d’intérêt rattaché à un contrat de financement d’un achat ou de location est un élément-clé. Si un concessionnaire offre un rabais important (sous forme de taux réduits ou de réductions de prix) en faveur d’un mode ou de l’autre, vous devrez alors tenir compte de ces rabais dans les calculs afin de pouvoir comparer des pommes avec des pommes. N’oubliez pas que la location est essentiellement un mode de financement et non pas un mode de détention. En effet, rien ne vous empêche ultimement d’acquérir la voiture à la fin de la période de location.

Dans une situation de taux d’intérêt égaux (comme dans l’exemple), un des éléments-clés qui vous aidera à faire le choix entre la location ou l’achat peut se résumer ainsi : que ferez-vous avec l’économie réalisée sur les mensualités moindres si vous optez pour la location?

Il va de soi que vous devrez obtenir de ces économies un rendement d’au moins 5,3 % après impôts (en utilisant l’exemple soumis) pour que la location, sur un strict plan financier, devienne un choix avantageux.

Ainsi, à titre d’exemple, si vous traînez d’importants soldes sur vos cartes de crédit (où les taux d’intérêt peuvent facilement excéder 15 %) et que vous démontrez suffisamment de discipline pour appliquer systématiquement les économies réalisées pour payer vos dettes sur vos cartes de crédit, la location sera alors plus avantageuse. Il en va de même si vous ne cotisez pas le maximum permis à votre REER par manque de liquidités. Vous pourriez, à titre d’exemple, utiliser l’économie de 587 $ par mois dans les versements (voir notre exemple), l’investir intelligemment dans un REER et utiliser l’économie d’impôt réalisée pour augmenter vos mensualités hypothécaires. Vous pourriez ainsi réduire de façon très importante la durée de votre hypothèque tout en accumulant des fonds supplémentaires pour votre retraite. Vous manquez de discipline? Utilisez le système de prélèvement automatique à votre institution financière. Ainsi, le même montant que la mensualité applicable à l’achat de l’automobile sera retiré de votre compte de banque, mais sera réparti à diverses fins très rentables. Vous ferez ainsi d’une pierre deux (ou trois) coups!

Par contre, si vous n’êtes pas capable d’obtenir un rendement d’au moins 5,3 % après impôts (en utilisant l’exemple soumis) avec l’écart entre les mensualités de l’achat et les mensualités de la location, vous devriez alors, d’un strict point de vue financier, envisager l’achat du véhicule plutôt que la location. Cela sera le cas si, à titre d’exemple, vous aviez plutôt tendance à vous louer un véhicule plus dispendieux grâce à la mensualité moindre ou encore si vous en profitez pour augmenter votre niveau de vie pour l’achat de biens de consommation (vêtements, voyages, etc.).

Notez que la même logique peut être utilisée par un particulier qui possède le comptant nécessaire pour acquitter entièrement le prix d’achat de l’automobile. En effet, il faut obtenir un rendement après impôts au moins égal au taux d’intérêt rattaché au contrat de location, par exemple, par le biais de judicieux placements. Autrement, l’achat du véhicule devrait alors être envisagé, et ce, si on ne s’attarde qu’au strict point de vue financier. Évidemment, plus le taux d’intérêt offert pour le contrat de location est bas, plus il sera possible d’atteindre cet objectif.

Vous saisissez les règles? Évidemment, les critères d’ordre personnel mentionnés aux pages précédentes pourront aussi vous influencer dans la décision finale. De plus, étant donné qu’une voiture se déprécie plus rapidement dans les premières années, une personne qui opte pour la location de façon continue (c’est-à-dire à chaque changement d’automobile) supportera de façon nettement plus importante les contrecoups de cette dépréciation qu’une personne qui a tendance à conserver son automobile pendant de nombreuses années, quitte à assumer des frais d’entretien et de réparation plus élevés.

Partie III : les automobiles utilisées par les travailleurs autonomes

Dans le cas des travailleurs autonomes (et aussi des employés qui peuvent déduire leurs dépenses d’automobile aux fins fiscales), tous les éléments mentionnés à la Partie II du présent document doivent entrer en ligne de compte et les conclusions susmentionnées constitueront également la clé à la recherche de la solution.

Cependant, on doit également y ajouter un élément additionnel, à savoir si les déductions fiscales accordées à la location ou à l’achat du véhicule modifieront les conclusions que l’on tirerait si on ne tenait pas compte de ces déductions fiscales.

Premièrement, il faut préciser qu’il existe plusieurs limites aux déductions fiscales admissibles, notamment afin de restreindre les montants dans le cas de véhicules plus dispendieux. Vous retrouverez, en annexe au présent document, un tableau qui résume les plafonds fiscaux applicables pour l’année 2018.

D’autre part, il va de soi que les déductions admises sont aussi fonction du pourcentage d’utilisation à des fins d’affaires. Ainsi, les déductions fiscales pour les dépenses d’automobile accordées à un travailleur autonome qui n’utilise son véhicule qu’à 20 % à des fins d’affaires auront un impact presque nul sur la prise de décision entre l’achat et la location.

Pour les travailleurs autonomes et les employés qui peuvent déduire leurs dépenses d’automobile et qui ont un pourcentage élevé d’utilisation à des fins d’affaires, les simulations effectuées démontrent
que les écarts au niveau des économies fiscales (incluant la récupération de la TPS et de la TVQ lorsqu’applicable) peuvent favoriser l’achat. Cependant, dépendamment de la durée de la location et des mensualités applicables eues égard aux limites fiscales, les écarts favorisant l’achat peuvent varier de minimes à assez importants, notamment lorsque le prix du véhicule excède les limites fiscales applicables. Des calculs propres à chaque situation peuvent s’avérer nécessaires. Toutefois, la décision finale d’acheter ou de louer ne reposera généralement pas sur des raisons fiscales et la fameuse question soulevée dans la Partie II redeviendra un des éléments-clés, à savoir : que ferez-vous avec l’économie réalisée sur les mensualités moindres si vous optez pour la location?

La seule différence avec les conclusions de la Partie II, c’est que le rendement à obtenir avec les économies sur les écarts de mensualités ne sera pas d’au moins 5,3 % après impôts (sur la base de l’exemple utilisé), mais plutôt de 5,3 % moins les économies d’impôt sur les frais de financement additionnels à l’égard du contrat de location. En effet, comme vous payez plus de frais d’intérêt sur un contrat de location (car vous ne remboursez pas la valeur résiduelle, mais des intérêts continuent d’être calculés sur cette somme), le rendement à obtenir doit être ajusté pour tenir compte que ces intérêts additionnels vous procurent une certaine épargne fiscale. À titre d’exemple, si vous utilisez votre véhicule à 75 % à des fins d’affaires et que votre taux marginal d’impôt s’élève à 50 %, le rendement après impôts à obtenir avec les économies sur les mensualités moindres sera d’au moins 3,3 %.[1] Il s’agit donc d’un rendement un peu plus facile à réaliser.

Conclusion

Nous avons donc pu constater que hormis la situation d’une automobile fournie par l’employeur (où la décision en faveur de la location est, règle générale, très simple à prendre), les autres situations nécessitent une réflexion et des gestes à poser en vue de rendre la décision de louer un véhicule financièrement rentable. Cependant, il s’agit d’un objectif réalisable dans la mesure où l’on fait preuve de discipline et de « maturité financière » et dans la mesure où les taux d’intérêt et autres promotions sont compétitifs avec ceux offerts par l’achat. Autrement, l’achat du véhicule sera la voie à suivre. Et surtout n’oubliez pas de bien marchander dans l’une ou l’autre des situations!

Avis

Ce résumé est conçu pour vous fournir une information de qualité sur plusieurs aspects fiscaux et financiers rattachés aux automobiles. Cependant, il est impossible de couvrir toutes les situations envisageables. Il serait possible d’écrire un document encore bien plus volumineux sur ce bouillant sujet. En conséquence, n’hésitez pas à nous consulter. Il nous fera plaisir de vous aider face à votre propre situation.


Annexe

Plafonds applicables aux dépenses d’automobile

Plafonds applicables aux dépenses d'automobile

Vos conseillers et collaborateurs,

CLOUTIER LONGTIN INC.

[1] C’est-à-dire [5,3 % – (5,3 % x 75 % x 50 %)].
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La technique de la « mise à part de l’argent » (MAPA)

Les autorités fiscales canadiennes ont subi de cuisants échecs devant les tribunaux sur la question de la déductibilité des intérêts au début des années 2000. Non seulement lors des décisions Ludco et Singleton rendues par la Cour suprême du Canada en septembre 2001, mais aussi après ces deux décisions. L’Agence du revenu du Canada (ARC) n’avait alors d’autres choix que de mettre à jour sa position administrative sur ce sujet afin d’y mettre de l’ordre.

DÉDUCTIBILITÉ DES INTÉRÊTS ET STRATÉGIE DE LA « MISE À PART DE L’ARGENT » : LA FIN ÉVENTUELLE DES INTÉRÊTS NON DÉDUCTIBLES POUR LA PLUPART DES TRAVAILLEURS AUTONOMES NON INCORPORÉS?

Ainsi, en octobre 2002, l’ARC a rendu public sur son site Web un document de travail (ou de réflexion) sur la déductibilité des intérêts aux fins fiscales. Par la suite, l’ARC a publié son bulletin d’interprétation IT‑533 (en octobre 2003), lequel reflétait les résultats de cette réflexion. Finalement, en mars 2015, l’ARC a publié le folio de l’impôt sur le revenu S3-F6-C1, intitulé « Déductibilité des intérêts », en remplacement de l’ancien bulletin d’interprétation IT-533. L’ARC reconnaît, au paragraphe 1.34 de ce nouveau folio, que la technique de la mise à part de l’argent est toujours valide et aucun changement significatif n’a été apporté à la position connue de l’ARC quant aux grands principes de la déductibilité des intérêts.

Dans le cadre de documents rendus publics au fils des années, l’ARC a clairement indiqué « NOIR SUR BLANC » qu’elle est d’avis que la technique de la « mise à part de l’argent » est conforme au libellé de l’alinéa 20(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu portant sur la déductibilité des intérêts. En effet, cette technique permet que l’argent emprunté soit utilisé spécifiquement et assurément à une « fin admissible ».

Qu’est-ce que la « mise à part de l’argent » (MAPA)?

La « mise à part de l’argent » est tout simplement une technique qui fait en sorte que le contribuable conserve ses liquidités (générées par des revenus bruts d’entreprise ou de location) afin de payer ses dépenses personnelles ou ses emprunts pour lesquels les intérêts sont non déductibles tandis que les dépenses d’affaires (où les intérêts sont déductibles s’il y a emprunt) sont effectivement financées par voie d’emprunt.

Pourquoi cette technique donne des résultats si spectaculaires pour les travailleurs autonomes non incorporés?

En scindant dans des comptes de banque distincts les recettes de l’entreprise du travailleur autonome non incorporé et les dépenses de son entreprise, on peut alors s’assurer qu’il utilise 100 % de ses revenus bruts tirés de son entreprise pour payer ses dettes ou dépenses personnelles et il utilise des emprunts distincts (une marge de crédit à titre d’exemple) pour acquitter 100 % de ses dépenses d’affaires.

En agissant ainsi, le travailleur autonome convertit progressivement tous ses emprunts où les intérêts sont non déductibles aux fins fiscales en emprunts où les intérêts le sont entièrement. Plus le travailleur autonome a des dépenses d’opération élevées, plus la conversion est rapide (dans la mesure où, évidemment, il a aussi des recettes brutes au moins équivalentes).

Faisons un exemple.

Voici la situation du dentiste bien « connu », Dr Adam Carrier :

Chiffre d’affaires 400 000 $
Dépenses d’opération (225 000 $)
Revenu net avant impôts 175 000 $
Impôts (approximatif) (75 000 $)
Liquidités annuelles pour son coût de vie personnelle et pour le remboursement de ses dettes personnelles (incluant l’hypothèque sur sa résidence) 100 000 $
Hypothèque sur sa résidence d’une valeur de 450 000 $ 200 000 $
Prêt pour l’achat d’une automobile pour sa conjointe 25 000 $

 

S’il n‘utilise pas la technique de la « mise à part de l’argent », Dr Adam Carrier doit se débrouiller avec des liquidités nettes de 100 000 $ pour payer l’épicerie, les frais de scolarité de ses enfants, ses cotisations à son REER, ses voyages, ses achats de meubles, ses mensualités hypothécaires, etc.

Utilisation de la mise à part de l’argent

Dr Adam Carrier a désormais deux comptes de banque pour son entreprise, soit un pour les recettes (400 000 $ par année) et un pour les déboursés de son entreprise (225 000 $ par année). Toutes les recettes sont utilisées pour payer son coût de vie personnelle (100 000 $), ses impôts (75 000 $), son hypothèque (ouverte) sur sa résidence (200 000 $) et pour payer le prêt pour l’achat d’une automobile pour sa conjointe (25 000 $). Il a, au préalable, négocié une marge de crédit autorisée de 225 000 $, garantie par une hypothèque sur sa résidence (de deuxième rang ou de premier rang de type « parapluie »). Il s’agit d’une marge de crédit de type « dollar pour dollar ».

Cela signifie que pour chaque dollar de réduction de son hypothèque actuelle de 200 000 $ et de son prêt-automobile de 25 000 $, sa marge de crédit disponible pour son entreprise est augmentée d’un dollar, et ce, afin de lui permettre de payer les dépenses d’opération de son entreprise. Bref, 100 % de ses dépenses d’affaires sont financées à même sa marge de crédit. Il s’agit donc dans ce dernier cas d’emprunts effectués à des fins admissibles aux fins fiscales. Notez que les impôts personnels du travailleur autonome (incluant ses acomptes provisionnels) constituent des dépenses personnelles et non pas des dépenses d’affaires. Ils doivent donc être payés à même les recettes brutes de son entreprise et non pas par la marge de crédit de son entreprise.

Ainsi, dans notre exemple, Dr Carrier aura remboursé entièrement son hypothèque sur sa résidence (200 000 $) et son prêt automobile (25 000 $) sur une période maximale de 12 mois et aura une marge de crédit pleinement utilisée de 225 000 $. Sauf qu’il n’aura plus d’emprunts où les intérêts ne sont pas déductibles. De plus, rien n’empêche Dr Adam Carrier de convertir, à la fin de la période de 12 mois (dans cet exemple), sa marge de crédit de 225 000 $ en prêt hypothécaire de premier rang. Dr Carrier pourra continuer à déduire les intérêts sur cet emprunt au fil des années (que la durée restante de l’emprunt soit de 5, 10, 15 ou 20 ans). En effet, la clé à cette stratégie est que Dr Carrier a toujours utilisé sa marge de crédit à une « fin admissible » et uniquement à cette fin.

Une décision anticipée à l’appui

Afin de s’assurer du bien-fondé de cette stratégie, une demande de décision anticipée a été déposée
auprès de l’ARC le 18 décembre 2002. L’ARC a confirmé sa validité dans sa réponse du 27 février 2003,
y compris la confirmation de la non-application de la règle générale anti-évitement. Le document publié par l’ARC en octobre 2002 sur la déductibilité des intérêts ainsi que la décision Singleton rendue par la Cour suprême du Canada en 2001 confirment également la validité de la stratégie. Cette décision anticipée porte le numéro # 2002‑0180523.

Les interprétations fédérales # 2005‑0111871E5 du 3 février 2005 et # 2006‑0218241E5 du 14 août 2007 sont aussi très claires à cet égard. De plus, l’ARC a publié en mars 2015 une première version du folio de l’impôt sur le revenu S3‑F6‑C1 où elle indique clairement au paragraphe 1.34 dudit folio que cette technique est conforme au libellé de la loi. Finalement, l’ARC a confirmé en octobre 2010 que la décision Lipson rendue en janvier 2009 par la Cour suprême du Canada (portant sur la déductibilité des intérêts) ne changera rien aux principes déjà acceptés par l’ARC relativement à la mise à part de l’argent.

Une technique à utiliser dans plusieurs situations

Cette technique de la « mise à part de l’argent » pour les travailleurs autonomes non incorporés peut être utilisée dans plusieurs situations, y compris pour le rattrapage des cotisations inutilisées au REER ou au CELI, le paiement de ses impôts en retard, le paiement de primes sur une police d’assurance vie universelle, etc. La clé, c’est simple. Il faut garder les liquidités générées par les recettes brutes pour payer les déboursés où les intérêts sur un emprunt pour payer de tels déboursés ne seraient pas déductibles et utiliser une marge de crédit pour payer les déboursés où les intérêts sont déductibles.

Ainsi, l’institution financière consentira, à titre d’exemple, non pas un prêt pour cotiser au REER ou au CELI, mais plutôt une marge de crédit au travailleur autonome pour son entreprise augmentant au même rythme que les sommes versées à son REER ou à son CELI par ce dernier, car il aura conservé les recettes brutes de son entreprise pour cotiser à son REER ou à son CELI.

Est-ce que les travailleurs autonomes non incorporés sont les seuls à pouvoir utiliser cette technique?

Les associés de société en nom collectif peuvent aussi, en modifiant la stratégie, arriver au même résultat, mais avec quelques contraintes et restrictions supplémentaires. Les particuliers qui sont propriétaires d’immeubles locatifs peuvent également envisager cette stratégie. Les employés ne peuvent pas, à l’heure actuelle, utiliser cette tactique.

S’agit-il vraiment d’une nouvelle stratégie?

Non. Cependant, avant la décision Singleton rendue par la Cour suprême du Canada en 2001, l’ARC laissait miroiter qu’elle pouvait se fonder sur la réalité économique des transactions (c’est-à-dire le résultat découlant des gestes posés) plutôt que sur la réalité juridique des transactions (c’est-à-dire le contribuable a‑t‑il emprunté à une fin admissible) de telle sorte que les contribuables pouvaient être très hésitants à envisager une telle stratégie, surtout lorsqu’elle est exploitée « à fond » tel que nous l’avons fait avec l’exemple du Dr Adam Carrier. La décision Singleton a cependant mis les pendules à l’heure en indiquant clairement que la réalité juridique des transactions est la règle à suivre. Cela a donc ouvert clairement la porte à la stratégie énoncée ci-dessus. Nous vous rappelons simplement qu’une hypothèque de 300 000 $ à un taux de 5 % payable sur 25 ans coûtera un peu plus de 225 000 $ en intérêts. En les rendant déductibles, le particulier peut ainsi épargner plus de 100 000 $ en impôts sur la durée de l’hypothèque sans trop d’efforts!

Est-il possible que les autorités fiscales modifient éventuellement la législation relative à la déduction des intérêts?

Cela est toujours possible. Toutefois, il faut comprendre qu’il serait très difficile et même presque impossible pour les autorités fiscales de prévoir une législation qui forcerait les travailleurs autonomes non incorporés à payer leurs dépenses d’affaires « comptant » et ainsi les forcer à emprunter pour leurs dépenses personnelles. Les gouvernements sont cependant libres de légiférer comme bon leur semble, ou presque. Quant à la restriction sur la déductibilité des frais financiers introduite dans le budget du Québec du 30 mars 2004, elle n’a absolument aucun impact sur cette technique.

 

 

Y a-t-il des pièges à éviter ou encore d’autres éléments de planification?

Oui. Bien que la stratégie soit relativement simple, il faut porter attention à quelques pièges. À titre d’exemple seulement, si le contribuable se sépare de son conjoint pendant ou après le processus de remboursement de l’hypothèque initiale sur la résidence, il pourrait définitivement en découler des coûts au niveau du partage du patrimoine familial pour le contribuable. Certaines stratégies existent cependant à cet égard. Il existe aussi d’autres stratégies de planification visant à maximiser les avantages fiscaux de la technique de la mise à part de l’argent. Finalement, il faut s’assurer que la marge de crédit est utilisée uniquement pour payer des dépenses d’affaires admissibles à la déduction des intérêts. À titre d’exemple, dans la réponse à la demande de décision anticipée # 2002-0180523, l’ARC a demandé de transférer la TPS et la TVQ perçues sur les ventes dans le compte « déboursés » du travailleur autonome afin de ne pas impliquer les taxes facturées au client dans le processus de la « mise à part de l’argent ». Voilà pourquoi un contribuable devrait absolument consulter ses conseillers habituels avant de mettre en place ces stratégies, et ce, afin d’éviter les erreurs coûteuses et pour en tirer tous les bénéfices. Alors, n’hésitez pas à nous consulter. Il nous fera plaisir de vous aider face à votre propre situation.

Vos conseillers et collaborateurs,

CLOUTIER LONGTIN INC.